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d’une façon suivie toutes les travailleuses en chômage ? Seules, les industries de guerre pouvaient prospérer. C’est donc du côté de l’équipement militaire, de la lingerie surtout, que portèrent les efforts. Un prêt de 43 000 francs du Secours national permit de faire les achats de tissus nécessaires à l’exécution de la première commande donnée par l’Intendance. Un atelier central fut créé pour la formation technique de monitrices destinées à prendre la direction d’ateliers de quartiers. Les divers services se développèrent au fur et à mesure de l’accroissement du nombre des ouvroirs adhérens. Dès le mois de novembre 1914, l’Union comptait 63 groupes comprenant plus de 1500 ouvrières.

Quel chiffre fantastique n’atteindrait-on pas s’il était possible d’évaluer tout le travail produit depuis deux ans par les doigts agiles des femmes de France ! C’est par centaines de mille que se chiffrent les objets de tous genres confectionnés dans les ouvroirs payes ou privés, les salons dans lesquels on se réunit pour travailler à Paris et en province. On coud, on tricote dans le plus humble hameau, dans les quartiers les plus somptueux de la capitale tout comme dans les petites rues étroites et mal aérées : dans tous les milieux, dans chaque famille, même dans les écoles on travaille pour les blessés, les prisonniers ou les réfugiés.


Bientôt apparut une nécessité pressante, celle de secourir par un travail rétribué les femmes privées de ressources, non seulement celles dont le mari et les fils étaient partis, mais les veuves, les isolées, les jeunes filles pour lesquelles l’arrêt des affaires, la fermeture des ateliers supprimaient tout moyen d’existence. La quête d’un sermon de charité à laquelle vinrent s’ajouter de généreuses oboles permit de réaliser ce projet chèrement caressé. Désormais tout l’effort se porta sur ce point : restreindre la dépense des étoffes utilisées par le travail de bonne volonté et réserver les ressources pour rétribuer, à bon escient, les femmes les plus méritantes ne recevant aucun secours immédiat par ailleurs [1].

  1. A Athis, en plus de l’ouvroir pour femmes, on a ouvert un ouvroir spécial réunissant tous les jeudis des enfans de quatre à quatorze ans. C’est ainsi que chaque semaine une cinquantaine de petits Français et de petites Françaises travaillent avec ardeur pour envoyer quelques objets utiles à leur papa ou aux grands frères. Les bambins de quatre à sept ans font des oreillers en papier frisé ou en laine effilochée ; à huit ans, les fillettes ourlent des mouchoirs ; à neuf ou dix ans elles font des cache-nez ; les plus grandes, déjà habiles, font des passe-montagnes, des mitaines, des plastrons, des ceintures de flanelle.