Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa splendeur perdue, la muant en un « jardin d’éden, fleurissant comme les roses. »

Jadis, « la Babylonie fut la rivale naturelle de l’Egypte, dans le commerce du monde. Aussi, les souverains de l’une ou de l’autre contrée ont-ils toujours tenté de conquérir le chemin rival pour en détruire, ou en utiliser la concurrence [1]. » La Grande-Bretagne, à la fois maîtresse de l’Egypte, contrôlant le canal de Suez, et toute-puissante en Mésopotamie, dominant dans le golfe Persique, quel résultat gros de conséquences pour l’avenir !

Sans remonter aux premières tentatives faites pour rendre à ces terres leurs anciennes richesses, encore faut-il rappeler, tout au moins, comment l’Angleterre, depuis quatre-vingt-dix ans, poursuivit la réalisation d’une grande idée : rattacher l’Inde à la côte d’Asie Mineure, en passant par les voies que nous venons de suivre avec les vaillantes troupes britanniques, la vallée de l’Euphrate et le golfe Persique. Dès l’aurore du XIXe siècle, le marquis de Wellesley avait relié Bombay à Bassorah par un service maritime régulier. En 1829, un Anglais encore, le colonel Chesney descendait l’Euphrate sur un simple radeau et levait les plans du pays. En 1834, le gouvernement de Saint-James et la Compagnie des Indes tentèrent avec succès l’audacieuse entreprise de transporter, pièce par pièce, sur l’Euphrate deux bateaux à vapeur, à travers 230 kilomètres de désert. Chesney fut le promoteur de l’expédition qui, malgré ses heureuses conséquences, demeurait sans suite. Cela ne l’empêcha point de reprendre sa tâche en 1852, dans laquelle un nouvel échec fut dû au manque d’appui financier du gouvernement. Depuis, celui-ci a su changer ses méthodes et... le canal de Suez est à lui !

Mais les Anglais ne furent pas seuls à vouloir relever les ruines de ce passé merveilleux. Un ingénieur français, M. Aristide Dumont, en 1880, présentait aux corps savans de Paris un projet rattachant par le rail la Syrie aux rivages du golfe Persique. C’était diminuer de dix jours le voyage de Marseille à Bombay. Pour une dépense de 250 millions, on rendrait à ce pays sa prospérité, on en « ferait une Lombardie asiatique, aussi peuplée, aussi saine et plus opulente que la Lombardie

  1. Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient.