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posséder Kermanchah qui commande la route de Bagdad. Dès le 13 décembre, la ville se révoltait contre le Shah. Des fonctionnaires belges étaient emprisonnés. Plusieurs centaines de cavaliers kurdes arrivent le 16 ; à la fin du mois, le prince de Reuss, ministre plénipotentiaire d’Allemagne, rejoint le gouvernement insurrectionnel.

L’importance que l’ennemi attachait à ces événemens est prouvée par un fait encore peu connu : le 2 janvier 1916, arrivait de Bagdad un haut fonctionnaire allemand accompagné d’un nombreux état-major. C’était le maréchal von der Goltz en personne. Le 5, ayant attentivement parcouru le pays et étudié ses moyens de défense, il repartait, laissant le colonel Buth diriger les opérations.

Von der Goltz voulut-il simplement entraver la marche du général Baratoff, ou bien pensait-il, comme on l’a dit, marcher sur l’Inde à travers la Perse et le Baloutchistan ? Personne ne le sait. Si le second projet fut le vrai, il aurait renouvelé le plan de Bonaparte, qui, vers 1800, voulut atteindre la puissance anglaise dans l’Inde, avec l’aide de Paul Ier, empereur de Russie. Avant la mort de ce dernier, Masséna devait passer par Orenbourg et Boukhara pour attaquer le Gange. Plus tard, l’occupation progressive de Tarente, Otrante et Brindisi, les intrigues dans le Monténégro faisaient partie de ce même plan.

Quoi qu’il en soit, l’arrivée de troupes turques (1 500 soldats avec 2 batteries et 5 000 cavaliers du Louristan) suivit l’inspection de von der Goltz. Ceux-ci allèrent s’établira Sakhne, contre la passe de Bid-Sorkh (le Sol rouge). Cette région boisée et fertile est, en quelque façon, la première porte de Kermanchah. Le 20 février, les Turco-Persans y étaient attaqués par la colonne du prince Belouslesky. Le combat, d’une violence extrême, dura trente heures. Les 10 000 rebelles, mis en fuite, laissèrent 500 cadavres sur le terrain. Nos alliés continuèrent la poursuite, pensant trouver une grande résistance à la falaise de Bisoutoun, seconde porte de Kermanchah. Mais ils la franchirent sans aucune peine, mettant en déroute quelques arrière-gardes de gendarmes. Dans l’immense vallée du Kara-Sou, bordée de quelques jardins, 6 000 cavaliers occupèrent Kermanchah.

Continuant sa marche, l’armée Baratoff, forte alors de 10 000 hommes, avec 20 pièces et des mitrailleuses, arriva