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le 117e Mahrattes, qui y perd 45 pour 100 de son effectif, Delamain se jette à l’assaut et emporte la première ligne. Hoghton arrive alors et, sous un feu violent, sapeurs et « Dorsets » font leur jonction avec lui, rejetant l’ennemi derrière Suwada. A deux heures de l’après-midi, plusieurs canons et des centaines d’hommes avaient été capturés.

La fatigue de ses soldats n’empêcha pas Hoghton de poursuivre son avance vers le Sud-Ouest de Suwada. Le feu de l’artillerie l’oblige à un léger recul. Delamain reprend l’attaque de flanc et sa colonne avance, mais subitement découvre à quinze cents mètres, sur la gauche, cinq bataillons turcs, avec une batterie, dernières réserves, dont personne n’avait encore soupçonné la présence. Il était cinq heures et demie. Devant cette menace soudaine, bien qu’exténués par trente heures de combat, les deux brigades anglaises pivotent, et, sans brûler une cartouche, chargent à la baïonnette. Après une heure de lutte, l’ennemi fuyait vers sa flottille, abandonnant quatre pièces. La canonnière Comet leur fit subir des pertes sérieuses. Enfin, n’en pouvant plus, les Anglo-Hindous s’endormirent sur le champ de bataille.

Au cours de la nuit, l’adversaire évacue ses dernières positions, puis, harcelé par la cavalerie et le feu des navires, se replie vers Kut-el-Amara. Le Tigre avait été barré par des chaînes et des estacades. Il fallut les enlever sous la mitraille. Un avion bombarda les navires turcs, y semant encore plus de désordre. Le 29, la colonne Townshend occupait Kut-el-Amara, et 1 650 prisonniers, avec un abondant matériel, demeurèrent entre ses mains. Los pertes britanniques, malgré la chaleur et le manque d’eau, n’atteignaient pas 500 hommes.

Cette bataille peut être citée comme un exemple de méthode et de préparation. Si les effectifs de la 6e division l’emportaient sur ceux des Turcs, 12 à 15 000 hommes contre 10 000, — l’ennemi, lui, avait l’avantage d’une position naturellement puissante, et qu’il avait fortifiée pendant trois mois. Des officiers allemands, nous l’avons dit, avaient conseillé Nour-Eddin pacha et des tranchées profondes, étroites et sinueuses répondaient à toutes les exigences techniques. Des drapeaux indiquaient aux artilleurs les distances de tir, des mines avaient été posées et des navires préparés pour la retraite [1].

  1. Nelson’s History of the War.