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roseaux géans. Enfin, elle débouche dans le lac Hamar où l’Euphrate se partage en plusieurs rivières aux nombreuses îles ombragées de dattiers. Fantassins et marins, malgré une chaleur atroce, à travers des nuées de moustiques, atteignent enfin le bras principal du fleuve.

Après en avoir déblayé le chenal, miné par les Ottomans, l’expédition arrive, le 4 juillet, devant Souk el Cheyouk, le « marché des chefs. » Des retranchemens le protégeaient. Un régiment les emporte d’assaut, en prenant les quatre-vingt-cinq derniers défenseurs.

Le général Gorringe laissa dans Souk, qui est peuplée de 7 à 8 000 habitans, ses troupes prendre quelques jours de repos : A travers ses rues sales et étroites, les Arabes du Nedjed viennent se ravitailler. Cette agglomération perd aujourd’hui de son importance, mais, vers 1868, on y voyait des caravanes fortes de 14 000 chameaux [1].

Le 24 juillet, enfin, la colonne atteint Nasirieh. La ville, défendue par une brigade, fut bombardée au cours de la nuit ; le lendemain, les adversaires sont aux prises, et l’action se termine par une victoire britannique complète. ; Les ouvrages turcs, à cheval sur le fleuve, furent enlevés, vers onze heures, avec l’aide des canonnières ; et, dès l’aube, la place était occupée. Un butin considérable récompensait nos alliés. On enterra 520 cadavres, ce qui fait estimer les pertes ottomanes à 2 500 hommes. Quant aux Anglais, ils avaient 564 des leurs, dont 36 officiers, hors de combat. Dès lors, l’ennemi était en fuite dans le Chatt-el-Hai, vers Kut-el-Amara.

Par cette brillante manœuvre qui fait le plus grand honneur aux troupes britanniques, une attaque de flanc contre le major général Townshend devenait désormais impossible et, de ce côté, les Ottomans ne revinrent jamais à la charge.

Malgré l’échec complet des Turcs en avril, le général Nixon se rendait compte que l’adversaire pourrait renouveler ses efforts, et contre Bassorah, et contre Ahwaz, aussi longtemps qu’il disposerait du Tigre. Aussi, fut-il décidé qu’une colonne, composée de la 6e division, et conduite par le général Townshend, remonterait le fleuve pour attaquer Amara, la base ennemie la plus voisine.

  1. Cf. Sicard, La navigation sur le Bas-Euphrate.