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surtout de la part des Alliés qui exercent la surveillance de la contrebande d’une manière qui, à l’avis de la Hollande, n’est pas toujours justifiée. Mais, d’autre part, on comprend parfaitement le point de vue des Alliés et on se résigne sans trop se plaindre à ses inconvéniens... »

Dès que le gouvernement britannique fait entendre une parole rassurante, cette résignation un peu boudeuse s’éclaircit. Au lendemain de l’alerte de mars, M. Colijn publie cette importante déclaration : « Il importe de l’affirmer expressément avant tout : je ne suppose pas une minute que l’Angleterre ait l’intention de faire débarquer sur les côtes hollandaises ses nouvelles armées en formation. Nous avons l’assurance de l’Angleterre, exprimée par M. Asquith à la Chambre des Communes, qu’elle respectera notre neutralité : nous avons confiance en cette parole. »

Le témoignage de M. Colijn est d’autant plus significatif que le parti conservateur transfère volontiers aujourd’hui à l’ancien ministre de la Guerre l’autorité longtemps despotique du docteur Kuyper. Cet ex-président du Conseil paraît avoir, sans doute en prolongeant son séjour à Budapest, perdu le juste sentiment des réalités nationales. A la fin d’avril, la presse hongroise attribuait au docteur Kuyper ce manifeste : « Nous n’avons, comme Etat neutre, cessé d’être menacés par l’Angleterre et d’être limités par elle dans notre liberté d’agir. Aussi l’animosité envers l’Angleterre croît de jour en jour. Notre navigation est actuellement menacée par elle. C’est là déjà une raison pour que la Hollande ne songe point à se tourner contre l’Allemagne. Je tiens d’ailleurs cette dernière éventualité pour complètement exclue. » Authentique ou tronquée, la déclaration fut très mal accueillie. Dans le propre parti du docteur Kuyper, la critique antianglaise porta moins que la conclusion progermanique. « Le docteur Kuyper n’a qu’à se promener à Rotterdam pour entendre jurer contre l’Angleterre, me disait un député de l’ex-majorité ; mais s’il veut entendre jurer par l’Allemagne, il faut qu’il écoute ses propres discours dans un phonographe made in Germany... » Car entre tant de criardes voix allemandes qui prétendent assourdir la Hollande, les voix hollandaises sympathiques ou seulement indulgentes à l’Allemagne sont si rares, si discrètes qu’on ne les distingue pas. Il ne s’agit plus ici des faits, mais des sentimens où ils entraînent. La force prussienne, l’organisation prussienne, demeurent incontestées. Mais nous