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questions sont intangibles, l’intégrité de l’asile hollandais, la nécessité d’une restauration totale de la Belgique : dès qu’on va plus loin, la discussion s’engage, inlassablement entretenue par la différence profonde des tempéramens. L’heure n’est pas venue d’en définir la portée. Belges et Hollandais trouveront, dans le souvenir de leurs émotions communes et la proximité de leurs intérêts, les raisons de toutes les ententes nécessaires.

Il est délicat de fixer l’exact sentiment des Hollandais à l’égard de l’Angleterre, hier et demain grande Puissance de concurrence maritime, aujourd’hui lourde puissance de contrôle. Les rivalités coloniales, les discussions mercantiles, le souvenir très vivace de la conquête du Transvaal ont mal préparé l’opinion. Par principe, le Hollandais est en défiance, souvent jusqu’à l’injustice. «. Les Allemands ont torpillé le Tubantia, mais les Anglais ouvrent et retardent toutes mes lettres, » me disait un négociant de Rotterdam avec une indignation en vérité trop éclectique. Cependant les Pays-Bas apprécient en connaisseurs l’œuvre de colonisation britannique ; une curieuse similitude d’esprit et de manières avec les gentlemen de la Cité, un attachement égal à l’individualisme corrigent l’amertume de doléances parfois troublantes. On ne peut d’ailleurs oublier à La Haye l’importance des intérêts nationaux qui supposent une entente durable des deux Puissances : c’est à l’Angleterre que les Indes Néerlandaises vendent leur récolte de sucre ; c’est aussi de l’Angleterre, c’est de ses alliées d’Occident et d’Extrême-Orient que les Indes Néerlandaises attendent cette liberté du trafic qui est la condition même de leur existence. L’aigreur des récriminations s’adoucit donc à la réflexion ; et elle trouve de bien spirituelles formules.

— Comment, disais-je à M. Byvanck, l’érudit conservateur de la Bibliothèque royale, n’êtes-vous point, vous si profondément épris de libéralisme, séduits par le libéralisme britannique ?

— J’aime tant, répliquait malicieusement M. Byvanck, nous aimons tant les Anglais, que nous souffrons pour eux-mêmes quand nous les voyons abandonner, par exemple, à l’égard de notre commerce, quelque chose de leur libéralisme... Oui, nous souffrons, nous protestons pour l’idéal anglais...

D’une philosophie moins subtile, la lettre de M. Colijn est sur ce point encore significative :

« On doit, m’écrit-il, se soumettre à beaucoup de désagrémens,