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tulipes échangent leur parure contre de réconfortantes fleurs de pommes de terre.

Et la vie chère sévit, indifférente au « nouveau riche » et à l’indigent assisté, dure au « middelstand, » à la classe moyenne des petits bourgeois et des employés ; c’est maintenant une hausse de 50 à 60 pour 100, ce sera demain peut-être le rationnement. Le lundi de Pâques, nous avons inauguré à La Haye un pain noir, d’ailleurs conforme aux produits de même couleur que notre snobisme exigeait aux thés d’avant-guerre ; pour avoir droit au pain blanc, il faut un certificat de médecin.

Dans l’ensemble, le pays souffre. M. Colijn, ancien ministre de la Guerre et l’un des chefs les plus écoutés du parti conservateur, veut bien m’écrire à ce sujet :

« Dans un sens général, il se produit à mon avis une forte dépression économique. Il est incontestable que certaines personnes ont gagné des sommes considérables par l’exportation du surplus des produits dont la Hollande n’avait pas besoin elle-même ; les sociétés de navigation ont fait des bénéfices considérables, mais en face du nombre relativement restreint de ceux qui ont profité de la guerre se trouvent les masses qui en ont beaucoup souffert économiquement. Il n’y a pas plus, mais moins de prospérité : la preuve est que, depuis la guerre, non seulement il n’y a pas accroissement dans le revenu des impôts (accroissement toujours régulier dans les circonstances normales), mais que ce revenu a été au-dessous des moyennes d’avant-guerre.

« Les possesseurs de fonds étrangers, assez nombreux en Hollande, ont subi de grandes pertes par suite de la baisse des cours. S’il y a profit pour certaines industries, il y a donc aussi perte de capital. Un déplacement s’est produit : on est plutôt porté à voir les montagnes qui viennent de se former que les vallées qui viennent de se creuser... Il est difficile d’arrêter un bilan exact, mais, après la guerre, on apercevra toute la diminution du capital national.

« Nous avons dû contracter, pour assurer le maintien de notre neutralité, un emprunt de guerre s’élevant à 400 millions de florins, soit à un milliard et quart de francs ; chaque habitant verra ainsi ses charges nouvelles portées à deux cents francs environ ; nul Etat neutre n’assume de telles obligations. »

Le président de la Banque d’État néerlandaise, M. Vissering,