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fige l’eau des bassins autour des rescapés et des permissionnaires du blocus.

« Notre port offre aujourd’hui sa propre caricature, me déclare mélancoliquement M. Zimmermann, bourgmestre de Rotterdam qui fut l’initiateur des grands travaux d’outillage inutilisés aujourd’hui. Notre trafic a diminué de 75 à 80 pour 100. Voici d’ailleurs les chiffres : du 1er janvier au 15 juillet 1916, il est entré à Rotterdam 1 621 navires jaugeant 1 713 636 tonnes ; pendant la période correspondante de 1914, nous avons reçu 5 633 navires jaugeant 6 920 934 tonnes. Pour mesurer l’étendue de nos pertes il faut considérer que le port est une institution municipale : la ville tire de son exploitation ses ressources — et ses charges. Aujourd’hui, alors que nos recettes tombent à 25 ou même à 20 pour 100 du chiffre normal, nous devons veiller à l’entretien de 5 000 chômeurs qui nous imposent de 20 000 à 25 000 assistés. Certaines compagnies de navigation peuvent ou du moins ont pu augmenter leur dividende : comparez à ces bénéfices individuels les pertes et les obligations qui surchargent la masse. »

La situation est identique à Amsterdam : 1 689 navires et 1 736 429 tonnes en 1916 contre 6 132 navires et 7 364 496 tonnes en 1914 ; 7 000 à 8 000 chômeurs, 25 000 à 30 000 assistés.

Ce dommage est net, sensible à l’œil. Le ralentissement, souvent l’arrêt de la jeune industrie hollandaise sont aussi visibles : chaque semaine, les journaux annoncent la fermeture de quelques usines pour insuffisance de matières premières. Il est moins facile d’établir la balance des gains et des pertes enregistrés par l’agriculture et l’élevage. Un député rural venait précisément de m’apitoyer sur la fâcheuse condition de ses électeurs quand j’interroge un échevin socialiste d’Amsterdam sur la situation des ouvriers. « Les gros bénéfices des paysans nous aident, me déclare-t-il. Ainsi, sur nos 10 000 diamantaires, 5 000 ont repris le travail ; les cultivateurs enrichis aiment mieux acheter des bijoux que souscrire aux emprunts. » Il faudrait s’entendre. La vérité est, je crois, qu’à une première année exceptionnelle, à une seconde année favorable, une troisième année de guerre ferait succéder l’ère des restitutions. Certains terriens subissent déjà les rigueurs du blocus ; il faut assurer l’onéreuse exécution de contrats établis avant la guerre ; chaque saison de guerre, quelques hectares de jacinthes et de