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où pourtant dominent les intérêts allemands, on raconte très haut qu’en août 1914 les premières mines furent mouillées en mer du Nord par des croiseurs d’Emden battant pavillon hollandais. Et les Pays-Bas gardent le privilège d’avoir connu la réédition à leur adresse d’une dépêche d’Ems.

J’ai fait allusion à ces alertes incessantes par lesquelles l’Allemagne s’efforce d’inquiéter les scrupules du neutralisme. Voici comment l’Algemeen Handelsblad, qui n’est pas suspect de germanophobie, expose un des plus vifs incidens provoqués par l’intrigue prussienne :

« Nous apprenons d’une source absolument sûre que l’information au sujet d’un ultimatum de l’Angleterre, affichée vendredi par un libraire d’Amsterdam, a été répandue par le consulat d’Allemagne à Amsterdam. Le baron von Humboldt-Dachroeden, consul général d’Allemagne à Amsterdam, aurait déclaré qu’il avait reçu la nouvelle de La Haye et qu’il avait des raisons de croire qu’elle était fondée. Le libraire en question l’aurait apprise du secrétaire de la chancellerie du consulat allemand. Le consul aurait raconté dans la suite à plusieurs personnes qu’il ne s’agissait que de la possibilité d’un ultimatum. »

L’aveu allemand est d’un cynisme assez inhabituel. Il faut dire que le libraire afficheur d’une imaginaire menace anglaise a été mis en demeure par un sous-officier flânant, devant sa vitrine, d’expliquer cet appel à la panique ; il a tout de suite dévoilé son informateur. D’autre part, dès le samedi, toute la Hollande sait et répète que le gouvernement, avant même d’avoir reçu le démenti catégorique du ministre d’Angleterre, a précipité les mesures militaires de la frontière d’Allemagne : c’est bien là, en effet, que l’intervention gronde. « On veut vous attaquer, vous êtes trop faibles pour vous défendre, nous accourons à votre secours, nous allons vous sauver, » diront ces singuliers diplomates qui opèrent toujours en avant-garde des colonnes d’envahissement. La manœuvre, cette fois encore, échoue piteusement, et son maladroit instigateur met une insolente franchise à le reconnaître : sans doute escompte-t-il une occasion meilleure.

L’Allemagne a jusqu’ici subi l’échec de ces « grands desseins » qui tendent à rallier par des moyens obliques les Pays-Bas au vasselage germanique. Mais une action apparaît en plein et durable succès : c’est l’offensive inlassablement pratiquée par