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de guerre. Toute l’exportation comestible de la Hollande est répartie entre les belligérans et consommée par eux : en achetant, l’Allemagne bloquée, rationnée, réalise une opération défensive ; les Alliés, libres de choisir leurs bases de ravitaillement, poursuivent une opération offensive. A la supposer pécuniairement onéreuse, elle nous laisse le bénéfice de la perte infligée à l’adversaire et chaque jour plus difficile à compenser. Je n’en retiens que cette preuve : désertant les gros salaires des usines prussiennes, une équipe d’ouvriers hollandais rentre à son village, près de Venloo. L’accueil manque de cordialité. « Pourquoi renoncer à ces bonnes payes ? » crient les femmes. Les hommes répliquent : « On mange trop peu... » Devant le scepticisme général, honnêtement ils se font peser devant le bourgmestre : ils ont perdu de 6 à 10 kilos. Cette fois, le village approuve : ils n’iront plus maigrir en face.

Les Hollandais se résignent à « l’intervention d’accord » que les Alliés, coopérant avec le NOT, pratiquent sur leur marché extérieur ; ils souhaitent notre activité commerciale sur leur marché intérieur, moins peut-être pour les bénéfices attendus que pour la contre-partie toujours désirée des affaires traitées avec l’Allemagne. Une seule forme d’intervention, d’ailleurs récente et limitée, soulève de vives protestations. La Hollande n’est pas encore arrivée à comprendre les restrictions signifiées en avril dernier par l’Angleterre : réquisition de 30 pour 100 du tonnage des navires charbonnant dans un port anglais, interdiction d’embarquer à bord des navires hollandais du charbon de soute de provenance allemande.

Le soir même de la signification de ces mesures, j’ai reçu les doléances d’un gros armateur ; je les reproduis textuellement, parce qu’elles soulignent une fois de plus l’esprit avec lequel ces remueurs d’affaires poursuivent la défense de leurs intérêts.

« En somme, l’Angleterre, en réquisitionnant 30 pour 100 du fret de nos navires à qui elle vend son charbon, surtaxe le prix de ce charbon : c’est très cher, trop cher ; c’est à discuter, comme tous les prix... Mais comment l’Angleterre peut-elle nous interdire par principe de consommer du charbon allemand ? Pour imposer cette interdiction, il faut que l’Angleterre s’engage à nous vendre elle-même et tout de suite le charbon dont nous avons besoin. Car toute l’affaire est là : nous voulons