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Pays-Bas produisent et récoltent dans leurs champs, leurs pâtures, leurs rivières et leurs mers alimente un marché libre ouvert au plus offrant. Seul, le gouvernement néerlandais a qualité pour y surveiller les opérations.

En fait, le plus offrant est évidemment l’Allemagne. L’Allemagne a faim. Les Pays-Bas sont pour elle, sinon la plus substantielle, du moins la plus immédiate base de ravitaillement ; quelques tours de roue ou d’hélice amènent en Prusse les trains de fromages et les péniches de pommes de terre. L’Allemagne donc achète ; elle achète si brutalement, si désespérément, que le gouvernement néerlandais est obligé d’opposer quelque résistance à cette épuisante boulimie de ses voisins.

— Entre notre mer prodigue et nos fécondes prairies, m’avoue un des organisateurs du NOT, nous n’étions plus capables de payer notre poisson et nous manquions de lait... Nous avons dû, nous les vendeurs et ravitailleurs, improviser une politique de restriction alimentaire. Quand l’achat tourne à l’accaparement, le gouvernement exige des vendeurs la mise à sa disposition d’un stock égal ou proportionnel au stock exporté, et qu’il taxe. Nous tâchons ainsi de sauver nos produits les plus nutritifs : nous ouvrons les frontières devant nos tomates, qui ne nous enlèvent que de l’eau ; nous les fermons à l’occasion devant nos pommes de terre...

La méthode demeure très approximative. A la fin de mai, la rafle par les racoleurs prussiens de 25 à 30 000 têtes de bétail a provoqué une hausse excessive et soulevé de très vives protestations qui, à Rotterdam, en juin, tournèrent à l’émeute. Et l’Allemagne achète toujours par cinquantaines, par centaines de millions : elle achètera tant qu’on lui prendra son papier-monnaie et tant qu’elle trouvera quelque chose à payer.

Les Alliés ont l’impérieux devoir de lui disputer le libre marché hollandais. Nous ne pouvons compter ici que sur nos moyens d’action commerciale. Sans doute l’agriculture et l’élevage hollandais sont indirectement assujettis au contrôle des maitres de la mer, qui règlent l’arrivée des engrais indispensables à une production fructueuse. Mais l’Allemagne est libre de doser l’exportation de son charbon, de ses machines, de ses produits manufacturés. Les pressions indirectes s’équilibrent. La concurrence reste ouverte.

Cette action commerciale ne peut être isolée de notre action