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leurs colonies de cultures riches, enfin avec leur neutralité mitoyenne apparaissent d’incomparables intermédiaires à l’égard desquels les restrictions classiques de la contrebande de guerre deviennent vite caduques. L’Angleterre, mandataire des Alliés, procède à coups de décisions qui, de fin août à décembre 1914, resserrent toujours plus strictement les libertés maritimes et commerciales des Pays-Bas : une étape encore, et c’est la menace d’un blocus effectif. La Hollande, à qui l’importation de matières premières et de produits manufacturés est aussi nécessaire que l’exportation de ses produits agricoles, verra mourir son trafic ; sa souveraineté, — donc sa neutralité, — subira une atteinte impossible à masquer.

C’est alors que les grands marchands de Hollande, comme au temps de Franz Hals, s’assemblent autour de leurs registres dans un vieil hôtel du Heerengracht à Amsterdam. Avec cette froide hardiesse qu’ils tiennent d’une loyauté égale à leur réalisme, ils proposent de se substituer au Gouvernement des Pays-Bas et à tout ce commerce national dont une intervention extérieure est contrainte de limiter le jeu. Avec une confiance égale à la bonne foi qu’ils sentent en face d’eux, les Alliés acceptent. Au regard des Puissances, il n’y a plus en Hollande qu’une seule raison sociale d’importation et d’exportation, le Nederlandsche Overzee Trust (trust néerlandais d’outre-mer) qui devient, à la mode abréviative de cette guerre, le NOT.

Le NOT achète, affrète, paie, vend et revend ; le NOT traite avec les belligérans, sanctionne les infractions à ses propres contraintes : il a sa diplomatie comme il a sa police. C’est une incomparable maison de commerce politique et judiciaire qui accapare, expertise et répartit toutes les affaires. Le NOT a pris en charge, avec les intérêts, l’honneur de la Hollande.

J’ai suivi, guidé par son président, M. Van Aalst, toutes les phases du contrôle dont le NOT est responsable à notre égard ; c’est une exploration redoutable et rassurante. A travers l’arsenal des fiches et contre-fiches qu’une armée d’enquêteurs (ils étaient 5 en décembre 1914, ils sont plus de 800 aujourd’hui) adapte aux consignes des Alliés, des salles d’expertises aux entrepôts-séquestres, du guichet des cautionnemens à celui des amendes, j’ai relevé la piste que suivent un acheteur et une cargaison. C’est bien en vérité une piste de guerre.