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Cet abstentionnisme têtu va logiquement jusqu’à exclure une éventuelle entente avec d’autres neutres. « Qui dit neutralité dit nécessairement solitude, » me déclare le professeur Struycken, le juriste catholique dont la parole fait autorité. L’historien de la couronne, le professeur Colenbrander ajoute : « Notre situation géographique, qui nous interdit tout espoir de gain aux côtés d’un belligérant, nous condamne à connaître les premiers les pires risques aux côtés des neutres. Comment les Pays-Bas adhéreraient-ils à une ligue où les Etats-Unis, à peu près intangibles derrière leurs océans, représenteraient l’élément dominateur ? Nous sommes, nous, l’avant-garde, les otages que toute ligue des neutres livrerait aux belligérans. Qu’il s’agisse de chocs militaires ou de heurts économiques, nous sommes, au front de bataille, des témoins de la guerre. Et nous sommes moins vulnérables dans un isolement qui nous laisse notre entière liberté de manœuvre. En fait comme en droit, nous devons demeurer à l’écart de la mêlée, chez nous, assurant notre intégrité par nos propres moyens. »

La théorie est nette ; elle a le défaut d’être impraticable. En face du conflit actuel, les paroles des neutres ne sont valables que si elles s’ajustent aux actes des belligérans.

— En somme, disais-je à M. Struycken, la vraie garantie de la neutralité que vous revendiquez serait l’impuissance totale à votre égard de tous les belligérans ?

— Ce n’est pas une définition bien juridique, soupirait le professeur. Mais c’est un idéal... inespéré.

Inespéré, en effet. Les raisons qui poussent la Hollande à s’éloigner de la mêlée entraînent chacun des belligérans à prolonger chez elle quelque forme de leur action. Aux formules de neutralité répondent les faits d’intervention.


Après l’hésitation des premiers mois de guerre, les Alliés reconnaissent la nécessité d’un blocus des empires centraux. Pour tendre à son effet maximum, ce blocus doit être direct et indirect : il faut couper les communications entre l’ennemi et les bases productrices de son ravitaillement ; il faut encore lui interdire un ravitaillement oblique par rachat à un non-belligérant.

Les Pays-Bas avec leur flotte, leur forte organisation mercantile,