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connaître. Ce pays mobilisé affirme très haut son horreur de la guerre. C’est le sentiment de tous les témoins du conflit qui n’en attendent pour leur pays aucun bénéfice. C’est aussi le résultat de quelques réflexions décevantes.

L’infanterie hollandaise défendrait utilement ses positions, mais l’artillerie manque de pièces, et surtout de munitions, que le gouvernement ne réussit pas à obtenir sur le marché des belligérans ; le jeu des défenses aquatiques est faussé par la portée de l’artillerie lourde ; le fameux quadrilatère d’eau, où la souveraineté hollandaise compta longtemps trouver un intangible réduit, n’offre plus qu’une garantie illusoire. Devant les alarmistes placards de mars, un sous-officier fait cette réflexion mélancolique. : « Les Belges, quand ça n’allait plus, ont pu venir chez nous... Mais nous, si ça ne va pas, où irons-nous ?... » Pour ne pas risquer un geste héroïque, mais vain, la Hollande ne peut riposter à une attaque que par une alliance, à une violation de la neutralité que par une rupture de la neutralité. Mal résignée à ces rudes évidences, elle cherche ailleurs que dans son armée la garantie de son abstention ; elle s’acharne à demeurer obstinément neutrale dans ses gestes et ses propos, sinon dans ses sentimens.

Cette préoccupation domine tous les aspects de la vie nationale. Comme je parle de ma visite à M. Loudon, ministre des Affaires étrangères : « Ah ! oui, notre ministre de l’équilibre, » précise avec satisfaction un député... J’ai pu apprécier la justesse et aussi les exigences de ce mandat. « Que voulez-vous ? me disait M. Loudon à notre première entrevue, je suis au bord d’un tourbillon : avant tout, je dois me garder du vertige. » La parfaite bonne grâce, la finesse de ce diplomate de carrière sont en effet mises à une rude et quotidienne épreuve : mais avec une inlassable virtuosité, de choc en choc, de remous en remous, M. Loudon dégage son équilibre.

— Comment, lui disais-je, peut-on concevoir une assimilation quelconque entre le torpillage et la visite, ou même la saisie d’un navire neutre ?

— Ce sont, en effet, me répond en souriant le ministre, des faits si distincts, si différens, qu’en bonne logique il vaut mieux, je crois, nous abstenir de les comparer...

Les Pays-Bas ont l’horreur officielle de la comparaison : ils égalisent, ils compensent, ils opposent un contrepoids à toute