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aurait souhaité, en appelant les hommes de dix-huit à quarante ans, atteindre au chiffre de 350 000 hommes, tout en réservant la levée des deux contingens de landsturm qui comptent 40 000 et 60 000 hommes.

L’entraînement de l’infanterie paraît excellent. Alertes et coquets dans leurs nouveaux uniformes réséda, portant avec désinvolture le sac tyrolien, les bandes molletières, tout le confort de la bataille moderne, les bataillons répètent obstinément leurs grandes manœuvres entre les canaux et les champs de fleurs ; nuit et jour, je les voyais défiler en bel ordre à travers les cités marchandes qu’étonne toujours leur belliqueux appareil.

Le secret des mesures militaires est gardé avec une louable rigueur ; mais on sait, on voit leur extension quotidienne : réquisition des automobiles, développement de l’aviation, stores baissés aux vitres des wagons, dès qu’on approche des ouvrages d’art. Les sursis d’appel, les permissions sont plus rares qu’aux armées en guerre. Les hommes manifestent parfois avec quelque vivacité leur lassitude de cette pesante campagne pacifique... Et chaque mois de mobilisation coûte au budget 35 millions de francs environ.

Cependant, quel que soit son effort, le gouvernement néerlandais ne peut attendre de ses forces militaires qu’une sûreté relative et provisoire. La rigueur de la mobilisation est inspirée, semble-t-il, par le souci de réfuter toute allégation d’inertie ou d’impuissance. « Nous ne voulons pas, me confie un membre de la majorité, qu’on nous dise : Vous êtes si menacés et si peu défendus, souffrez donc que nous venions à votre aide. Nous devons prouver toujours, à tout prix, que nous nous protégeons nous-mêmes. »

La mobilisation hollandaise est donc avant tout une sanction préventive de la neutralité. Si, au cas d’une intervention extérieure, cette démonstration devient insuffisante, le gouvernement est sincèrement résolu à la rendre effective dans toute la mesure de ses moyens : « La Hollande n’est pas la Grèce, » répètent volontiers ses porte-paroles. La guerre défensive, sans acceptation d’un concours étranger et sans égard à la nationalité de l’agresseur, apparaît donc comme la forme extrême du neutralisme.

Et c’est précisément cette forme que la Hollande ne veut pas