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et des sauveteurs dont elle suspecte les desseins, dont elle voit les forces si proches : si l’Angleterre gronde, on redoute les offres expansives de l’Allemagne ; quand l’Allemagne torpille, on s’inquiète, d’abord, d’une éventuelle sollicitude des Alliés.

Le Hollandais veut être seul ; ce peuple de généreuse hospitalité souhaite une politique peu sociable. Il cherche volontiers son idéal dans la boutade classique : « Ce n’est pas un lion que les Pays-Bas doivent afficher sur leur blason, c’est un hérisson... » La Hollande poursuit ainsi le maintien d’un isolement qu’au surplus elle se garde d’imaginer splendide entre les lourds embarras d’aujourd’hui et les troublantes hypothèses de demain : elle prétend se confiner dans sa neutralité. Mais les belligérans voisins, chacun suivant le plan qu’il médite, s’attachent à rendre cette neutralité inoffensive ou favorable à leur action. Les Pays-Bas, qui ne veulent pas aller à la guerre, voient chaque jour la guerre venir à eux.


Au seuil de cette enquête, une première évidence s’impose. A l’exception d’une demi-douzaine d’interventionnistes opérant à titre individuel et en ordre dispersé, la Hollande, gouvernement et peuple, affirme une volonté d’abstention poussée jusqu’aux extrêmes limites. Tout Hollandais qui parle franc avoue d’abord son souci d’éviter, par tous les moyens, l’entraînement à la bagarre d’Europe.

Le désir, le besoin d’écarter la guerre s’imposent au point qu’il a fallu forger un mot pour en manifester la vigueur : la Hollande n’est pas neutre, elle est neutrale, m’affirment les plus fins connaisseurs de notre langue ; sa politique est le neutralisme où, par un paradoxe nécessaire, elle s’attache à pratiquer tous les modes d’action qui peuvent la dispenser d’agir.

Avec une logique égale au souci de sa dignité, le gouvernement néerlandais cherche sa première garantie de paix dans un effort militaire très largement compris dès l’origine et inlassablement développé. Les Pays-Bas ont décrété leur mobilisation le 1er août 1914, avant la Belgique. Des remaniemens successifs de la loi militaire maintiennent environ 280 000 hommes sous les drapeaux ; depuis bientôt deux ans, cette armée de campagne décuple l’armée d’instruction naguère maintenue huit mois à peine dans ses casernes. Le Gouvernement