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Il semble que, depuis, la liste des pertes se soit sensiblement allongée[1], malgré le soin apporté par l’amirauté de Berlin à faire le silence, « en faveur de considérations d’ordre militaire, » sur les suites de la prétendue victoire de la Hoch see flotte. En tout état de cause, il y a lieu de considérer comme disparus définitivement une vingtaine de torpilleurs de haute mer dont on n’avait pas de nouvelles immédiatement après la bataille. Peut-être quelques-uns de ces petits bâtimens se retrouveraient-ils, — internés jusqu’à la fin de la guerre, — dans certains ports danois où leurs avaries les retinrent plus de vingt-quatre heures après la terrible nuit du 1er juin.

Mais le plus certain, par les aveux faits au Reichstag même, c’est que la flotte allemande a énormément souffert. Tous les chantiers, tous les arsenaux de la mer du Nord et ceux de la Baltique, au moins jusqu’à Dantzig, sont employés à la réparation des avaries subies par les unités de tout rang ; et alors que la plus grande partie, de beaucoup, de la Great fleet était prête à combattre, après avoir fait le plein de ses soutes, le surlendemain de la bataille, les cuirassés de l’empereur Guillaume restaient amarrés aux quais des ports, où ils recevaient d’ailleurs la visite et les félicitations de leur souverain, justement empressé à relever les courages d’officiers et de marins qui ne s’abusaient pas, eux, sur leur triomphe…


Quelles seront les conséquences de ce triomphe, ou plutôt de ce triomphe de la « manœuvre morale ? »

Il me sera sans doute plus facile de dire ce qu’elles pourraient être, à condition de le dire avec une grande prudence.

Après la bataille d’Eylau, et comme Bennigsen et Lestocq, stupéfaits de n’avoir pas été détruits, remplissaient de cris de victoire, tout en battant en retraite, les gazettes du continent, Napoléon se contenta de dire : « La suite des opérations montrera bien quel est le vainqueur. » Et en effet !…

C’est sous la protection de cette haute autorité que je me hasarde à rappeler que la seule sanction profitable de la victoire, c’est l’offensive.

De cette offensive qui, pour être énergique, n’en doit pas moins s’entourer de précautions et se fonder sur des plans bien

  1. On cite les cuirassés Ost-Friesland, Westphalen, le croiseur de combat Derfflinger, frère jumeau du Lützow, etc. Mais les Allemands bénéficient du doute.