Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tranchent quelques-uns. Or, non seulement il existe de fortes raisons de penser que l’amiral Scheer s’est servi de ses dirigeables pour s’éclairer au loin et reconnaître le dispositif d’ensemble de ses adversaires, mais les marins anglais reconnaissent que ces appareils aériens ont été employés tactiquement, qu’ils ont pris part à la lutte et que l’un d’eux, avant d’être abattu, « laissait tomber bombes sur bombes sur la Queen Mary, tandis que celle-ci était engagée à courte portée avec un dreadnought allemand[1]. »

Remarquons qu’il est fort possible que les services rendus par les « super zeppelins » navals ne répondent ni aux espérances de nos adversaires, ni à leur prix de revient, fort élevé, je crois. Mais cela, c’est affaire d’appréciation et d’appréciation fort délicate, en ce moment. Bornons-nous à dire que si, à l’égard de ce genre d’appareils, les Allemands sont en avance d’une guerre, il vaut mieux, d’une manière générale, être en avance qu’en retard.

Que faut-il penser, d’autre part, des obus asphyxians que mentionnent beaucoup de relations anglaises ?

Il serait bien étonnant que nos ennemis consentissent à se passer dans une bataille navale des moyens d’action dont ils ont été les premiers à se servir, — avec grand avantage, pensent-ils, — dans la guerre à terre. Ils doivent donc avoir des obus aphyxians comme il semble qu’ils aient des obus dont les propriétés incendiaires sont particulièrement développées, celles-ci pouvant d’ailleurs se confondre avec les propriétés asphyxiantes. On se rappelle que le Good Hope et le Mammouth prirent feu très rapidement au combat de Coronel, déjà, le 1er novembre 1914.

Mais si nous parlons d’obus à facultés spéciales, il convient de dire un mot — discret — d’un projectile que nous connaissons fort bien, puisqu’il a été inventé par un officier français, il y a déjà une vingtaine d’années. C’est celui qui jouit de la propriété, tombant dans l’eau en avant du navire visé, — coup court, — de continuer sa course en ligne droite dans l’élément liquide, au lieu de ricocher, et d’atteindre la carène au-dessous de la flottaison, au-dessous même de la ceinture cuirassée, à la façon d’une torpille automobile. Je dis là les choses fort en gros ; mais cela suffit sans doute pour qu’on se rende

  1. Journal le Scottsman, d’Edimbourg, du 5 juin (cité par le Pelit Parisien du 6). C’est le récit d’un des officiers du Lion.