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C’en est assez, et il est inutile de feuilleter la fin du volume, où sont rappelés, en masse, des faits tout semblables, antérieurs aux déportations de Lille. Ils se rapportent d’une manière générale au « travail imposé aux populations des départemens envahis : Travail de nuit ou sous le feu, hors de la résidence, sans rémunération, sans nourriture, collaboration forcée aux opérations de guerre; obligation, sous menaces, de fournir des renseignemens à l’ennemi, collaboration au pillage, civils employés comme bouchers. » Vieillards de 70, de 75, de 80 ans, garçons de 16 ans, de 14, de 12, femmes et filles, frappés à coups de poing, à coups de pied, à coups de crosse de fusil, à coups de cravache, à coups de martinet, femmes, sur lesquelles on s’amuse à vider préalablement un broc d’eau froide, avec une sorte de raffinement sadique. Tout ce pauvre monde tiré de ses pauvres maisons pillées, traîné par les chemins, dépouillé jusque de ses vêtemens, jeté par tas dans des wagons à bestiaux où il séjourne quarante-huit, soixante-douze, et plus de quatre-vingts heures, en une promiscuité abominable, mourant de faim et de soif en route, pour aller achever d’en mourir au fond des casemates inondées et glacées d’un camp d’internement où plus rien ne lui est laissé ou ne lui arrive de ce qui était sien, personnes et biens, gens et choses ; puis, un matin, repris et ramené en pays occupé, à l’aventure, ailleurs que chez lui, parqué là, poussé au-devant des balles françaises, changé en boucher vivant; tout ce pauvre monde, même les vieux dont les jambes se dérobent et qui sont fusillés s’ils tombent, même les petits hurlant de peur, même une mère portant un bébé de dix-huit mois ! Ce livre-là, le Livre Blanc, la Note du 2 août, et les quatre rapports de la « Commission instituée en vue de constater les actes commis par l’ennemi en violation du droit des gens, » auxquels on peut joindre le résumé publié par le ministère des Affaires étrangères, les Violations des lois de la guerre par l’Allemagne, forment, avec les Livres Gris belges, qui les complètent et qui les corroborent, le plus poignant des livres de calamité et de misère, une encyclopédie de la scélératesse. Comme préface, la violation de la neutralité du Luxembourg et de la Belgique, la violation de la frontière française avant la déclaration de guerre ; comme corps de l’ouvrage, les assassinats de prisonniers et de blessés, combattans, médecins ou aumôniers ; le pillage, l’incendie, le viol, encore l’assassinat, cette fois sur des « civils; » toutes les violations de la Convention de Genève, emploi de projectiles interdits, procédés de guerre déloyaux ; le tout établi non seulement par des