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histoires : vols, pillages, incendies, scènes d’ivrognerie et de violence ; et partout, sous les mêmes prétextes inventés de coups de feu tirés par les civils, ce sont, sur l’ordre des chefs, des exécutions en masse. En vérité, l’Empereur a-t-il songé, — car c’est lui, nous le savons aujourd’hui, qui a commandé cette guerre de bandits, — a-t-il songé qu’il légitimait par avance les plus terribles représailles, et qu’un jour peut-être il se repentirait d’avoir proposé à ses troupes l’exemple d’Attila ? M. Gomez Carrillo nous rapporte les propos d’un général allemand à une vieille dame qu’il força d’assister au défilé de sas troupes ; l’opinion allemande sur la France s’y étale avec une brutale et réjouissante naïveté : « En France, le bien-être et la richesse ont détruit les vertus nationales. C’est un pays dégénéré, Lorsque nous l’annexerons à notre Empire, nous lui rendrons sa force d’autrefois en croisant notre race avec la sienne. S’ils comprenaient leurs véritables intérêts, tous les Français célébreraient notre victoire comme un événement sauveur… C’est Paris qui gangrène la nation. Dans huit jours, lorsque nous entrerons à Paris, nous nous mettrons tout de suite à le purifier, à y établir l’ordre social. Notre Empereur a une mission sacrée à remplir : celle de sauver ce peuple désuni et efféminé. » — « Purifier » un peuple en le pillant, en le massacrant, en l’incendiant, en violant ses femmes et ses filles, c’est assurément une leçon de morale évangélique que seuls des pharisiens risquent de ne pas comprendre ! Et qu’on ne dise pas qu’un peuple ne saurait être rendu responsable des excès de sa soldatesque. La soldatesque a agi par ordre, et l’exemple est venu de haut. Si ce n’est pas le Kronprinz, c’est une « Altesse » qui a dévalisé le château de Baye. A Raon-l’Etape, — et dans combien d’autres villes ! — les femmes d’officiers sont venues participer au pillage et s’affubler des toilettes françaises qu’elles avaient volées. Voit-on les femmes d’officiers français « cambrioler » les luxueuses demeures de Cologne ou de Munich ? Ce sont là, nous pouvons en être assurés, des représailles auxquelles nous ne nous livrerons pas. Quoi que fassent un jour nos soldats exaspérés en Allemagne, — et leurs chefs, hélas ! pourront-ils les retenir ? — il y a des infamies qu’ils ne commettront jamais, et qui resteront l’éternel privilège du pays où la guerre et le banditisme sont restés synonymes. On verra alors de quel côté sont les appétits de jouissance, l’amour du « bien-être et de la