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L’ITALIE
APRÈS UN AN DE GUERRE

I
UN PEUPLE SOUS LES ARMES

Que ceux qui ont vu l’Italie avant la guerre, qui ne lui ont demandé que des émotions esthétiques, qui s’y sont promenés comme dans un musée et comme dans un lieu de plaisir, que ceux-là ne s’y aventurent pas aujourd’hui : ils ne la reconnaîtraient plus. Ils n’y trouveraient que le spectacle austère d’un peuple tout entier sous les armes.

Qu’on y arrive par Vintimille ou par Modane, l’impression est la même. Par-delà la frontière, le décor guerrier continue celui de chez nous : tunnels gardés militairement, stations envahies par des uniformes de toutes armes, où tranche le gris-vert de la tenue de campagne. Continuellement, sur les grandes lignes, on croise des convois de munitions, obus empilés, affûts et caissons, canons à longue portée amarrés sur des prolonges, escadrons de chevaux et de mulets, qui, par les ouvertures des wagons de marchandises, vous regardent de leurs grands yeux apeurés. Trains militaires bondés de soldats et d’officiers, qui se déversent incessamment sur le front et les garnisons de la zone de guerre ; wagons de toutes classes, où l’on mange, où l’on dort, comme on peut, où la discipline, en dépit de la presse et de l’encombrement, réussit à sauvegarder l’ordre et la