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même époque que le sous-marin affirment l’avoir aperçu accosté à un navire qui semblait le ravitailler. Mais il se peut bien que l’imagination joue un grand rôle dans ces allégations.


Quels qu’eussent été les procédés de ravitaillement adoptés et la route suivie par le grand submersible, le fait est qu’il se trouvait à Baltimore le 10 juillet, qu’il s’y présentait comme navire de commerce, et, donc, que le gouvernement des États-Unis allait être obligé de trancher une question toute nouvelle et fort délicate : le Deutschland était-il réellement un navire de commerce ? N’était-il pas plutôt un navire de guerre déguisé, et même, à prendre les choses à un point de vue absolu, un sous-marin pouvait-il jamais être considéré autrement que comme un engin de guerre ?

On sait que le Cabinet de Washington s’est tiré d’affaire en décidant, — après minutieux examen d’une Commission technique, — que le Deutschland était bien, lui, un navire de commerce, puisqu’il n’avait aucune arme, ni aucun dispositif apparent destiné à en recevoir, et qu’au demeurant il montrait une cargaison de matières tinctoriales, mais qu’il s’agissait d’un cas d’espèce et que les autorités des Etats-Unis se réservaient de procéder, chaque fois qu’un cas semblable se produirait, à un nouvel examen que suivrait une nouvelle décision.

Les Puissances alliées avaient peut-être compté sur une attitude qui s’inspirât moins du désir de ménager les deux partis, mais il ne semble pas qu’elles aient fait des efforts décisifs pour faire prévaloir leurs vues, qui tendaient à établir qu’un sous-marin ne peut être, n’est « en soi » qu’un navire de guerre.

Examinons ceci.

Tout d’abord, il est évident que le fait, pour un bâtiment quelconque, de montrer une cargaison ne suffit pas pour lui conférer la qualité de navire de commerce. Mien n’empêche un croiseur de prendre dans ses soutes, sinon dans ses « cales, » des matières ou des objets confectionnés ayant une grosse valeur sous un faible volume. Il n’en sera pas moins un navire de guerre. Oui, mais cessera-t-il de l’être et pourra-t-il se présenter dans un port neutre pour y rester plus de vingt-quatre heures, s’il fait la preuve que ses canons ont été débarqués ? Peut-être ; il faudra, toutefois, que les autorités du port en