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part de cette brillante escadre des croiseurs de combat anglais qui avait vu fuir les Allemands devant elle au combat du Doggerbank, le 24 janvier 1915 ? Certainement non ; et l’événement l’a prouvé.

Le vice-amiral Beatty se trouvait en face d’un problème des plus délicats, celui de l’application du principe général de guerre qu’il faut « mordre » dans l’adversaire pour le retenir, si l’on a des raisons de croire qu’il veuille se dérober. Or les Anglais s’estimaient assez fondés par les précédens à croire que telle était en effet l’intention de leurs ennemis. D’ailleurs le gros de la Hoch see flotte n’apparaissait pas encore au moment où l’amiral anglais fonçait sur le groupe d’éclairage et l’on sait que nos alliés n’ont pas de zeppelins de découverte. Enfin leur escadre de croiseurs de combat avait été renforcée de quatre dreadnoughts tout récens et assez rapides pour suivre à quelque distance le Lion, le Tiger et les autres croiseurs. Sir David Beatty avait donc ou allait avoir en mains de sérieux élémens de résistance en cas d’intervention des escadres cuirassées allemandes. Il n’hésita pas un instant à s’engager à fond, parfaitement résolu, comme il l’a dit lui-même, à aller jusqu’au bout. J’avoue qu’à supposer que je puisse me le permettre, je ne me sentirais pas le courage de lui reprocher une audace que d’aucuns ont déjà taxée d’imprudence et où je ne puis voir que la manifestation inévitable d’un beau tempérament militaire.

Mais il est bon, au moment où nous sommes arrivés, d’essayer de nous rendre compte, — très approximativement, — des effectifs des forces navales en présence.

L’escadre Beatty, — escadre rapide d’avant-garde, d’exploration ou de couverture de la « grande flotte » anglaise[1], — se composait fondamentalement de :

4 croiseurs de combat[2] du dernier type, — le Lion, — bâtimens de 27 000 à 30 000 tonnes, de 28 à 30 nœuds de vitesse maxima, armés tous de 8 canons de 343 et de 16 canons de 102 millimètres ; c’étaient, par ordre de date de lancement : le Lion (1910), la Princess Royal (1911), la Queen Mary (1912) et le Tiger (1913) ;

  1. The Great fleet, expression qui a remplacé celle de Home fleet.
  2. Les croiseurs de combat ne sont autres que des dreadnoughts rapides, un peu moins cuirassés, un peu moins armés, à déplacement égal, que les dreadnoughts d’escadre, sensiblement plus lents.