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ses tournées, dans les classes, un peu comme la foudre, ont gardé, comme ses élèves de Louis-le-Grand, le souvenir de son œil étincelant, de sa voix, de sa verve d’éloquence.

Mais il n’était plus tout à fait le même. Il avait reçu un coup. Il s’en aperçut peu à peu, quoi qu’il en eût. A la fin de l’année terrible 1871, comme on s’inquiétait pour lui d’un hiver aussi froid que celui du Siège : « Bah ! disait-il, le soleil viendra toujours assez tôt. Le froid sec est bon aux vieillards, et je m’en arrange parfaitement. Je crie mes douleurs. J’ai peine à lever le bras. Je tire l’aile. Mais je n’en respire pas moins à pleins poumons. »

Cependant, l’estomac avait faibli. Loin de lui, dindes, Corton, et même l’aimable vin d’Anjou qu’il trinquait à plein verre avec les gardes mobiles en septembre 1870. — « Je bois du lait. » — Ce mot est triste. Il ne remonta jamais tout à fait la côte. Quand il mourut le 29 décembre 1880, il avait tout juste soixante ans.

Il avait subi de trop fortes souffrances pendant les dix mois de son épreuve.

Oserions-nous bien y comparer les nôtres, celles des deux ans que nous venons de passer, où la honte n’a jamais eu place, et qui nous laissent inébranlés dans la confiance et dans l’espoir ?


HENRY COCHIN.