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Moscou, avec ce coûteux déploiement de luxe scientifique, et pour mieux s’emparer du marché russe, des succursales de son industrie. C’est un acte de bonne guerre où l’on distingue un grain d’ironie française. C’est aussi un indice de l’activité, de la décision, de l’esprit pratique avec lequel notre mission militaire a aidé la Russie à résoudre le problème des munitions. D’autre part, du côté russe, il a fallu une intelligence élevée de la situation pour adopter les procédés de nos spécialistes, se mettre à leur école, suivre leurs conseils et s’en rapporter à leur expérience : il s’est formé une collaboration que les Russes ont eux-mêmes appelée « fraternelle. »

Nos officiers étaient arrivés avec des méthodes nouvelles et aussi avec des habitudes, une façon de voir les choses qui risquaient de ne pas s’accorder avec les habitudes et les idées de la Russie. Pourtant, il n’y a eu ni heurts, ni sérieuses difficultés. Après les hésitations inévitables de la mise en train ; tout a marché à souhait. M. Albert Thomas, pendant son voyage d’études, a pu encore constater l’importance des résultats obtenus. ; La mission, dès l’origine, ne comprenait pas moins de vingt-quatre officiers, techniciens remarquables, dont le Chef, le colonel P…, est une des autorités de nos arsenaux. Ces officiers français, que d’autres, peu à peu sont venus rejoindre, demandés par les autorités russes elles-mêmes, on les trouverait à l’œuvre sur les points les plus divers de l’Empire. On ne les rencontre pas seulement à Moscou, à Pétrograd, dans les grandes usines métallurgiques du Donetz. Il y en a jusqu’au Caucase, jusque dans le lointain Oural. Quelle grande idée donne de lui-même notre pays quand on le voit assez riche en talens et en hommes, assez généreux, assez intelligent des nécessités d’une guerre de coalition pour se priver de pareilles forces, ou plutôt pour comprendre qu’en les prêtant à ses alliés, qu’en aidant ses alliés à développer leurs moyens d’action, il avance le succès de la cause commune ! Tel est l’esprit qui vivifie les alliances. En même temps, ce sont des germes semés pour l’avenir. Aux industries de guerre créées sur son propre sol, la Russie devra, à la paix, de pouvoir se passer de l’Allemagne, dont elle était tributaire pour les produits chimiques. Ce sont même, en partie, des chimistes alsaciens, engagés volontaires ou officiers de notre armée, qui auront apporté à l’industrie russe le moyen de s’affranchir des Chimistes