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stèles et des parois où étaient retracées les scènes les plus diverses, il n’en laisse rien échapper de ce qui peut et doit nous intéresser. Mais cet effort d’attention ne nuit en rien chez lui ni à l’intelligence de l’ensemble, ni à la vivacité des impressions. C’est le charme de son Égypte que les nombreux passages où il esquisse rapidement quelque aspect d’un site ou d’un monument qui l’avait frappé, et qu’il n’oubliait plus. Parlant, par exemple, des célèbres colosses d’Abou Simbel : « Je les ai étudiés, nous dit-il, de nuit et de jour, sous tous les angles et sous tous les jeux de la lumière. Le matin, dans la pâleur de l’aube, ils semblent sonder l’horizon lointain d’un regard sombre et dur : bientôt pourtant, quand le soleil, glissant sur le versant de la montagne, a gagné leur visage, leurs yeux s’éclairent, leurs lèvres frémissent et sourient, et l’on dirait, pendant un instant, qu’un frisson de vie contenue court sur leur corps[1]. » Le plaisir est grand de voyager en imagination avec un compagnon de route qui voit si bien et qui analyse ainsi ce qu’il voit.

Ce jugement ne sera sans doute pas démenti par ceux qui ont lu ses Contes populaires de l’Ancienne Égypte, dont quatre éditions ont paru, ou les feuilletons qu’il donnait, de temps à autre, dans le Journal des Débats et qu’il a réunis sous le titre de Souvenirs d’Égypte, ou encore ses impressions de voyage, adressées au Temps, et recueillies dans ses Ruines et paysages d’Égypte.


VI

Telle fut l’œuvre de Maspero.

Sa vie a été vraiment un bel exemple de volonté droite, intelligente, sûre d’elle-même. Le hasard des circonstances, qui fait presque seul les succès de tant d’autres, n’a eu qu’une part insignifiante dans les siens. Tout jeune, il a choisi sa voie, non parce qu’elle lui apparaissait comme facile ou avantageuse, mais parce qu’elle lui ouvrait l’accès à des régions de science peu explorées encore et qu’il jugeait dignes de l’être. Il a mesuré, dès ses premiers pas, tout ce que en choix exigeait de lui, et, sans s’arrêter à aucune considération étrangère, il s’est

  1. Égypte, p. 197.