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institutions si particulières, l’Egypte de Memphis, de Thèbes, de Saïs, celle du Delta et celle du haut Nil. Nous voyons ses rois bâtisseurs de pyramides et de temples, ses rois prêtres, ses rois conquérans. Ses armées défilent sous nos yeux dans leur équipement authentique, sous la conduite de leurs princes, montés sur leurs chars de guerre. Nous assistons à leurs victoires sanglantes, aux massacres de prisonniers, aux cérémonies triomphales. Et nos regards se reportent cependant, par échappées, sur la vie des cités, sur leur commerce et leur industrie, sur les petits métiers et les petites gens, sur l’agriculture. Il en est de même pour la Chaldée, pour les pays syriens. Puis l’historien fait surgir devant nous le terrible empire d’Assour : l’ambition et l’orgueil des Salmanazar et des Tiglatphalazar se détachent en traits saisissans dans ce tableau plein de vie. Il nous explique le déclin de leur puissance et, plus loin, le relèvement de l’empire ninivite au VIIIe siècle. Sargon et Sennachérib, Asarhaddon et Assourbanabal passent devant nos yeux, tels que leurs sujets ont pu les voir dans leurs palais monumentaux ou dans l’appareil formidable de leur force guerrière. Ils tombent pourtant à leur tour. Les Mèdes leur succèdent. Et alors le récit nous retrace les étonnantes conquêtes de Cyrus, la constitution de l’empire perse, édifice magnifique et fragile, qui dure deux siècles, puis se dissout peu à peu, jusqu’au jour où il s’écroule enfin sous les coups d’Alexandre, qui ouvre l’Orient à l’hellénisme. Véritable et tragique épopée, féconde en péripéties émouvantes, si l’on ne considère les choses que par leur côté dramatique, mais histoire éternellement riche en enseignemens, si l’on s’attache à l’étude des causes et à l’enchaînement intime des faits. C’est le mérite de Maspero d’avoir su mettre en lumière ces deux aspects de son sujet.

Pour l’illustration de ce bel ouvrage, à laquelle il s’est attaché avec amour, il disposait de ressources abondantes, qu’il a su choisir et mettre en œuvre de la manière la plus heureuse. Dessins de paysages, photographies de bas-reliefs, statues et statuettes, bijoux, objets d’art, armes et ustensiles, dispersés dans les grands musées d’Egypte et d’Europe, tous ces documens lui étaient connus, tous étaient classés dans sa mémoire. Il se fit un plaisir de les adapter à son récit, de façon à faire passer sous les yeux de son lecteur les scènes et les personnages