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préparer l’agrégation. Le travail énorme qu’exigeait alors cette préparation semblait léger pour lui. Non seulement il y associait ses études personnelles d’égyptologie, qui l’occupaient plus que jamais, mais son esprit demeurait ouvert à tout. Il faisait un jour, devant notre excellent maître, Jules Zeller, une leçon des mieux documentées sur la journée d’un empereur de Byzance, d’après les textes du temps ; mais, simultanément, il lisait un peu de tout, y compris les poètes contemporains, dévorait notamment la Légende des siècles de Victor Hugo, dont il savait par cœur des morceaux étendus, et se complaisait fort aux romans de Dickens, qui lui offraient d’ailleurs l’occasion de perfectionner, en commun avec un de ses camarades, sa connaissance de l’anglais. Les joyeuses aventures de M. Pickwick le délectaient particulièrement ; car il y avait, dans cette nature profondément sérieuse, un côté enjoué et une sorte de naïveté de jeunesse, qui lui prêtaient un charme très vif. Sans être musicien, il aimait la musique et il avait appris à lire une partition. Il fréquentait assidûment les concerts populaires que donnait alors, chaque dimanche, le vaillant Pas-de-loup. C’était de plus, en ce temps lointain, un grand amateur de sports et de jeux. Aucun de ses camarades n’était plus assidu ni plus ardent que lui à la partie de barres ou aux exercices de gymnastique qui suivaient généralement le repas de midi, et aucun n’y avait plus de succès. Il se faisait ainsi le tempérament robuste qui, plus tard, devait lui permettre de supporter longtemps la fatigue, sous le climat de l’Egypte.

Une circonstance imprévue l’empêcha de se présenter à l’agrégation d’histoire en 1868, comme il en avait eu l’intention. À cette date, il avait quitté l’Ecole depuis un an. A la suite d’une de ces manifestations politiques auxquelles la jeunesse s’est laissé entraîner de tout temps, il avait été victime d’une mesure répressive, de la part d’une administration timorée, qui aggrava l’importance des faits, au lieu de s’appliquer à les atténuer. Profitant aussitôt d’une occasion qui s’offrait à lui, il était parti bravement pour l’Amérique du Sud, et il servait d’auxiliaire, dans l’Uruguay, à un savant de Montevideo, qui prétendait démontrer qu’une des langues du Pérou était un dialecte sanscrit. Maspero, sans doute, lit intérieurement toutes les réserves nécessaires, mais il gagna du moins à cet exil temporaire ce qu’on gagne toujours à voyager, une plus ample