Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/744

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« création magistrale provenant des terres allemandes reconquises, comme une œuvre qui, sans réserve, combattait dans le cléricalisme l’esprit welche. » M. Bachem relevait dans cette propagande un sérieux symptôme du « désir passionné, enflammé, » dont s’exaltaient en Allemagne « certains cercles radicaux-libéraux, » et qui les poussait à préconiser en Belgique une politique anticléricale. Il était même assez troublant de les voir se prévaloir, — à tort ou à raison, nous ne savons, — d’un article du jeune baron de Bissing, fils du gouverneur même de Belgique : « Cet article, disait joyeusement M. Zimmermann, a dû retentir aux oreilles du clergé belge comme une sonnerie de combat[1]. »

Il y a quatre-vingts ans, une sonnerie de combat retentissait en Prusse Rhénane : l’archevêque de Cologne était jeté en prison, la Prusse traitait en parias les catholiques ; et de Liège à Cologne s’échangeait l’idée d’une « fédération belgo-rhénane, » qui les protégerait. On se redisait alors, entre Rhénans et Belges, le mot de Montalembert : « La Prusse est nécessairement l’ennemie de la Belgique, car l’exemple de la liberté belge est le dissolvant du despotisme. » Par une sorte de contagion morale, comme l’indiquait en 1837 le Conservateur Belge, la Belgique influait sur les Rhénans : elle les aidait à se tenir droits devant Berlin[2]. Et lorsque en 1818 les catholiques d’Allemagne formèrent des associations pour assurer contre toute menace nouvelle leurs libertés reconquises, c’est sur la méthode des catholiques belges qu’ils réglèrent leurs propres méthodes. Se doutaient-ils alors que, moins d’un siècle après, l’Allemagne embrigaderait leurs petits-fils pour l’essai d’une conquête qui viserait à ravir à la Belgique sa personnalité, et qui peut-être ensuite mettrait en péril sa foi ?

Car il ne s’agit de rien de moins, pour certains pangermanistes, que d’une expulsion féroce de toute la population wallonne francisée et de tout le clergé belge, coupable, disent-ils, d’avoir excité et aidé, contre les troupes allemandes, « les manifestations de haine et de brutalité bestiale de la population belge. » Ces mots et ces sauvages projets s’étalaient en janvier 1916, dans un Mémoire sur la Belgique, publié par l’Association allemande d’Empire (Deutscher Reichsverband), « dont la

  1. Jules Lebreton, Études, 20 mai 1916, p. 442-443
  2. Lukas Schwahn, Die Beziehungen der katholischen Rheinlande und Belgiem in den Jahren 1830-1840 (Strasbourg, 1914).