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monarchique, républicain, de telle branche ou de telle autre, on la donnera quand elle sera refaite.

Je travaille vingt à vingt-deux heures sur vingt-quatre, et si je venais à tomber malade, ce qui me menace à tout moment, je ne sais ce que tout cela deviendrait.

Prenez donc un peu patience, mon cher Rouland, et songez à tous ces faits avant de juger. Donnez-moi quinze jours encore et bien des choses seront débrouillées.

Recevez mes amitiés.

A. THIERS.


M. Jules Famé à M. Thiers.

Paris, 6 mars 1871.

Cher Président et bien excellent ami,

Je viens de recevoir votre dépêche d’aujourd’hui. J’y ai répondu en vous demandant de vous servir de chiffre. J’aurais dû vous faire cette observation plus tôt. Vos dépêches courent tous les ministères et le secret sur ce qu’elles renferment ne peut être gardé. Je n’ai pas bougé de chez moi ; il est quatre heures. Je n’ai reçu aucune nouvelle de Paris, ce qui est fort bon signe. La situation de Montmartre et de Belleville reste la même, ces deux quartiers restant barricadés et armés d’artillerie : cela est plus ridicule que dangereux. Cependant il est impossible de le tolérer longtemps. Les généraux sont de cet avis, mais ils demandent à user de prudence, et je suis tout à fait de leur avis. Je n’ai eu d’autre préoccupation intérieure, depuis le 4 septembre, que d’éviter l’effusion du sang. Aujourd’hui, il faut la pousser presque jusqu’à la dernière extrémité. Une collision pourrait arrêter court le commencement de l’œuvre réparatrice que nous entreprenons. Elle nous jetterait dans une réaction périlleuse et tuerait notre crédit. C’est précisément cette raison qui me fait désirer énergiquement que l’Assemblée vienne s’installer à Paris, ou tout au moins à côté de Paris, c’est-à-dire a Versailles. Rien ne me paraît plus fâcheux, plus impolitique, plus compromettant que d’avoir l’air de craindre Paris. C’est le moyen infaillible d’encourager les turbulens, les malintentionnés, et d’affaiblir ceux qui veulent nous défendre. C’est entrer dans les idées de rancune et de