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l’influence étrangère, c’est-à-dire italo-romaine, et qu’on fonde une Eglise nationale catholique allemande[1].


Ainsi, tandis que la Ligue évangélique opposait à Rome l’Allemagne d’aujourd’hui, la Ligue pangermaniste opposait à Rome l’Allemagne de demain : elle reprenait le rêve d’Eglise nationale allemande, de « christianisme allemand, » au nom duquel certains juristes du Kulturkampf avaient persécuté l’Eglise. L’Empire issu de Sadowa et de Sedan avait, dès l’origine, fait planer sur les catholiques certaines menaces : elles continuaient de gronder, elles continuaient de vouloir se transformer en actes : seule, l’attitude des catholiques avait changé[2].


IV

La guerre éclata : victime et peut-être dupe de son Empereur, l’Allemagne entière s’ébranla. Elle apparaissait unie. Mais l’esprit de la Ligue évangélique avait poussé des racines profondes, et quelques faits, très menus, mais douloureusement éloquens, assombrissaient l’horizon catholique.

Le 26 juillet 1914, quatre jours seulement avant que le crime impérial fût consommé, un certain surintendant Brussau, haranguant en Silésie ses ouailles évangéliques, concluait en ces termes :


Nos pensées s’arrêtent devant la grave question : guerre ou paix ? Demain nous apportera la réponse. Mais nous savons dès maintenant que la guerre qui viendra sera en fin de compte la lutte spirituelle du protestantisme allemand contre le catholicisme slave et romain, peut-être aussi contre la semi-religion anglo-saxonne, car jamais l’Angleterre n’a été protestante-évangélique dans le sens que nous donnons à ce mot.

Par le fait même, nous connaissons l’issue finale de cette guerre : l’esprit du protestantisme allemand est vainqueur dans l’histoire du monde, Luther et les siens triomphent[3].


Les épées n’avaient pas encore quitté les fourreaux ; et ce pasteur professait que d’ores et déjà l’Allemagne était victorieuse, et Luther avec elle. Dès le lendemain de Sadowa, un

  1. Hasse, Das deutsche Reich als Nationalstaat, p. 64. (Andler, op. cit., p. 238).
  2. Voyez, pour plus de détails, l’étude de M. Edmond Bloud aux pages 245-320 du livre : L’Allemagne et les Alliés devant la conscience chrétienne, publié par le Comité catholique de propagande française à l’étranger.
  3. Cité dans la Koelnische Volkszeitung, 28 mars 1916.