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été rédigé en français, il n’y aurait pas maintenant besoin de tant l’expliquer ! » Au fait, qu’est-ce qu’a voulu la Chambre, à l’issue de ses débats en comité secret ? Il se peut, il est même sûr que, parmi les 444 membres de la majorité, un certain nombre ont en effet voulu « instituer et organiser, une délégation directe... le contrôle effectif et sur place. » Il se peut qu’un certain nombre aient adopté l’ordre du jour tout justement à cause de cela. Mais c’est le petit nombre. Et il est sûr aussi qu’un certain nombre l’ont adopté malgré cela. Le plus grand nombre, de beaucoup, n’y a point entendu malice. Il n’a vu là, s’il l’y a vu, qu’une clause de style, un geste coutumier de la vie parlementaire, où bien des gestes, par bonheur, restent vains. Il a cru bonnement qu’il n’en arriverait rien; ceux mêmes qui purent avoir et marquer de l’hésitation l’immolèrent au devoir d’affirmer, le plus pleinement possible, dans des circonstances qui interdisent toute autre attitude, l’unité de la nation, de ses représentans et de son gouvernement. Un ordre du jour de confiance, c’est au vrai, c’est au fond, c’est avant tout et après tout ce que fut l’ordre du jour du 22 juin : confiance dans le ministère, parce qu’il faut un gouvernement, pour qu’il soit un gouvernement. Les sages, sans être des sceptiques, pensèrent que le reste était littérature. Ils tirent la grimace, car ils la trouvèrent mauvaise, mais finirent par se résigner. Auraient-ils lieu de s’en repentir aujourd’hui ?

La Commission de l’armée, — puisque, chose singulière, c’est elle qui d’elle-même se dessaisit, nous allions dire : se désarme, — et son rapporteur, n’ont eu, en somme, qu’un argument: « Tu l’as voulu, Georges Dandin! » Et le plus étrange est que Georges Dandin ne l’a pas voulu, mais que, peut-être, par l’affirmation et la répétition, la suggestion et l’obsession, on le lui aura fait rétrospectivement vouloir. Maintenant, par quel procédé la Chambre instituera-t-elle et organisera-t-elle cette délégation directe, qui exercera, en son nom, le contrôle effectif et sur place ? Élira-t-elle vingt ou trente délégués au scrutin de liste, avec vote limité, sur désignation par les groupes ? Ou seront-ce les commissions qui enverront des missions, et, dans ce cas, tous les commissaires, ou seulement quelques-uns d’entre eux seront-ils missionnaires ? Si c’est à elles qu’au bout du compte on s’en remet, les Commissions nommées il y deux ans, à tout autre fin que la guerre, seront-elles maintenues, ou seront-elles préalablement renouvelées ? C’est ce qui doit laisser tout à fait indifférent quiconque, n’étant ni membre d’une de ces Commissions, ni même membre de la Chambre des Députés, n’est pas non plus candidat à la «délégation