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plus récemment sur la Somme, ont congrûment brûlé, grâce à d’ingénieuses fusées incendiaires, ces gros ballons cerfs-volans que l’ennemi à le premier utilisés comme observatoires aériens et que nos poilus d’un mot qui, s’il n’est pas très poétique est riche du moins d’exactitude pittoresque, appellent des « saucisses. »


L’avion de bombardement est à l’avion de chasse ce que le dreadnought est à un fin torpilleur. Les communiqués nous ont fait connaître depuis longtemps les exploits de ces puissantes escadres aériennes lourdement chargées d’explosifs et qui vont jeter leurs bombes et leurs obus de 90 ou de 155 dans les organisations industrielles et militaires à l’intérieur de la zone occupée par l’ennemi et jusque dans l’intérieur de l’Allemagne. On imagine la sensation que doit produire l’arrivée d’une de ces escadres dont les avions volent en triangle comme un grand vol de canards sauvages, et qu’escortent, tournant autour d’eux comme des chiens de bergers, d’actifs avions de chasse destinés à les protéger contre l’attaque des appareils ennemis.

Le lancement des projectiles (bombes ou fléchettes), du haut d’un avion, est d’ailleurs une opération beaucoup plus complexe et délicate qu’il ne semblerait à première vue. Si l’avion pouvait s’immobiliser complètement au-dessus du point visé, si d’autre part l’air était parfaitement calme, il est évident qu’il suffirait au bombardier pour atteindre son objectif, de lâcher ses projectiles lorsqu’il se trouve exactement au-dessus de lui et dans sa verticale. Mais ces conditions ne sont jamais réalisées : d’une part l’avion a généralement une certaine vitesse par rapport au sol ; les projectiles, au moment où on les lâche, seront donc eux-mêmes animés dans le sens de la marche d’une vitesse horizontale qui tend à les faire tomber en avant de la verticale de lancement. D’autre part, le vent pendant leur chute tend à les faire tomber plus en avant encore, s’il est de même sens que la marche de l’avion ou, dans le cas contraire, moins en avant. La trajectoire d’une bombe d’avion est donc très complexe et a conduit à construire, tant dans les appareils allemands que dans les nôtres, des viseurs de bombardement extrêmement ingénieux, accompagnés de tables de tir tenant compte de toutes les circonstances de lancement, et qui font des bombardemens aériens une opération aussi savante que le réglage d’un tir d’artillerie.

Les avions de bombardement emportent le plus grand poids