Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/710

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le champ de bataille aérien qu’à la surface du sol. Il est facile de comprendre pourquoi : lorsque deux avions adverses se précipitent l’un contre l’autre, chacun à la vitesse de 150 kilomètres à l’heure, il s’ensuit que leur vitesse relative est de près de 80 mètres à la seconde. A une telle allure, les avions ne sont à portée utile pour se servir de leurs mitrailleuses que pendant un très court instant. Mais il est évident que celui qui aura des munitions plus nombreuses pourra faire durer utilement plus longtemps chacune de ces successives et très rapides passes d’armes qui constituent un combat d’avions. Il sera, lors des dernières passes, encore approvisionné en face d’un adversaire démuni.

De tout cela il résulte aussi que de deux avions également bien approvisionnés, le plus souple et le plus rapide aura un grand avantage sur l’autre parce qu’il sera maître de se dérober à lui ou de l’attaquer sous un angle où lui-même sera hors d’atteinte.

C’est la nécessité d’avoir, pour la chasse, des avions rapides qui a conduit nos ennemis comme nous-mêmes à préférer pour ce genre d’appareils le monoplace. Celui-ci portant un- seul homme est plus léger, donc, à moteur égal, plus rapide. En outre et surtout, l’aviateur unique qui gouverne et tire seul peut mieux coordonner sa direction et son tir que lorsqu’il doit partager ces deux fonctions avec un camarade dont les gestes ne peuvent jamais s’harmoniser parfaitement avec les siens. Or dans ces passes rapides comme l’éclair, une erreur d’un dixième de seconde, un décalage insignifiant entre la gouverne et le tir décident de la victoire ou de la chute mortelle. Et c’est pourquoi les Guynemer, les Navarre, les Nungesser, à l’exemple des Garros et des Pégoud, combattent seuls comme les grands chasseurs de la jungle ou de l’azur, comme le lion, le tigre et l’aigle.

Enfin l’expérience a prouvé que les appareils dont l’hélice est placée à l’avant sont, toutes choses égales d’ailleurs, les plus rapides. Mais alors l’aviateur du monoplace de combat qui tire en même temps qu’il gouverne et qui vise en quelque sorte avec tout son avion, en le dirigeant vers le but, doit tirer avec la mitrailleuse à travers l’hélice. C’est ce que fit le premier Garros, grâce à un ingénieux dispositif dont les Allemands ont consciencieusement réalisé des copies serviles, puis des variantes diverses dans leur fokker. D’ailleurs le problème ne se pose pas avec les appareils à deux hélices.

Il faut enfin ranger parmi les avions de chasse, à cause de leur nécessaire vitesse et de leur mission si utile qui est vraiment une mission « de chasse, » ceux de nos appareils qui naguère à Verdun et