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pas conjugales et qu’il y a, pour empêcher le repos d’un chacun, les révolutions par exemple. Certes, on aurait tort de lui reprocher cette imprévoyance : et pourtant, ce qui l’avait séduite, dans son mari ou, du moins, son fiancé de naguère, c’était en somme une tentative de révolution. Bref, à peine venue à résipiscence, elle détesta les révolutions et les maris. Quant aux révolutions, elle écrit : « Il ne faut jamais être du petit nombre de ceux qui veulent tumultuer, parce que la plupart pensent plus à leur intérêt particulier qu’au bien général. » Et, quant aux maris : « Je ne connais que des maris que je doive détester. » Ce qu’elle en dit, c’est en mémoire du vainqueur de Preston-Pans et à propos du vieil Ansano Mocenni, mari de Teresa, et qu’elle appelle d’habitude « le zanzaro, » ou le Moustique. Teresa Mocenni avait eu la sottise de perdre, non pas son mari, mais l’amico di casa il piu assiduo e della padrona il piu intimo, Mario Bianchi. Elle regrettait amèrement son erreur, ou l’erreur de la destinée. Mme d’Albany l’encourage à supporter son triste sort ; elle ne l’engage pas du tout à se rapprocher du Zanzaro, mais à le subir, tant bien que mal : « Le ciel ou le destin vous a donné cet imbécile pour mari. Il faut le supporter le moins mal que possible, puisque vous ne pouvez pas le changer. Sinon, je vous dirais : plantez-le là et vivez à votre guise ! » Un jour, elle la gourmande : « Vous n’y pensez pas, ma Thérèse, de vous laisser faire des enfans par le Brontolone ! » Le Brontolone, c’est un autre surnom désobligeant du Zanzaro. Suivent au cours de quelques mois et dans toute une série de lettres, diverses plaisanteries où l’on voit que Mme d’Albany s’égayait facilement.

Elle avait « planté là » Charles-Edouard, en son jeune temps, et n’avait pas attendu qu’il mourût, car il n’en finissait pas de boire, et de languir sous le fardeau de l’hydropisie, et de traîner sa femme par les cheveux, si le vin de Chypre lui donnait de l’entrain. Donc, un matin de décembre, en 1780, une respectable dame Orlandini, laquelle descendait de lignée jacobite, déjeunait chez le comte et la comtesse d’Albany, à Florence. Elle proposa de faire, après le repas, une promenade : et l’on irait, au couvent des Dames Blanches, admirer ces broderies où le délicat loisir des nonnes s’évertue La comtesse, bien obéissante, répondit : « Volontiers, si mon mari le permet. » Charles-Edouard le permit. Et il fut de la promenade. Les deux dames entrées dans le couvent, la porte se ferma prestement au nez de Charles-Edouard. Il eut beau frapper, cogner, faire le diable. Enfin, par le guichet, la mère abbesse lui annonça : « Monsieur, la comtesse d’Albany a cherché un asile dans ce couvent ; elle y est sous