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le centre, — depuis le début du XIIe siècle, et même dès la fin du xie, travaillèrent à voûter les petites églises, d’où, par une conséquence logique mais qu’ils étaient bien loin de prévoir, devaient procéder les grandes cathédrales. Essayons d’indiquer les caractères du système nouveau. Dans chaque travée, entre les doubleaux, jeter deux arcs transversaux se croisant en diagonale de façon à former une armature indépendante de la voûte, dont chacun des compartimens viendra se poser sur ce squelette, cette charpente de pierre permanente formée par les nervures des arcs doubleaux et ogifs combinés ; simplifier ainsi singulièrement le travail de l’appareillage, retouver en les allégeant tous les avantages des voûtes d’arête, localiser, canaliser si l’on peut dire, les poussées jusque-là diffuses, qui viendront dès lors aboutir au point précis où l’architecte aura organisé les supports et les résistances convenables, n’est-ce pas là l’œuvre d’esprits clairs, d’un bon sens habile à débrouiller les complications où d’autres se perdaient, à résoudre les difficultés par une analyse rigoureusement conduite des données du problème ? Et telle fut, en son principe, la trouvaille d’où allait naître une grande architecture, hardie, « sublime » au sens étymologique du mot, la plus originale que le monde ait jamais admirée.

Où se fit exactement et pour la première fois cette invention ? A vrai dire, comme elle sortit d’un besoin général, il est fort possible que dans la série des tâtonnemens et des essais poursuivis de toutes parts, elle se soit présentée à l’esprit de plus d’un appareilleur obsédé par le même problème… Mais ce qui est incontestable, évident, et ce qui seul, à vrai dire, importe, c’est qu’il n’existe qu’une région où l’on puisse suivre, comme dans un terrain de germination spontanée et en même temps d’expérimentation méthodique, l’élaboration progressive, l’adaptation raisonnée du procédé nouveau, le développement de ses conséquences, la pleine démonstration de ses possibilités, sous l’action incessante d’une claire logique créatrice, et cette région est justement celle où, jour à jour, la Providence et l’histoire avaient préparé « douce France. » C’est dans les campagnes de l’Oise, du Vermandois, du Parisis, du Valois, par les belles journées du printemps, — quand de toutes parts se gonflent les bourgeons et s’épanouit la végétation qui servit de modèle aux ornemanistes affranchis par la