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consistait cette « amélioration ? » Ce n’était pas simple embellis sèment, mais véritable rénovation. Il s’agissait de remplacer sur les bas-côtés d’abord, puis sur les grandes nefs, les anciennes charpentes de bois par des voûtes appareillées en pierre.

Sur les effets de cette substitution, que la comparaison d’une ancienne basilique romaine avec une église « romane » rend sensible aux yeux et à l’esprit, Quicherat fit, — dans la petite salle des cours de l’ancienne Ecole des Charles de la rue des Francs-Bourgeois, — des leçons qui sont restées, dans mon souvenir, parmi les plus admirables que j’aie jamais entendues. Le premier, il trouva dans le système organique des voûtes un principe, clair et logique, de classification des différentes écoles romanes qui, au cours des XIe et XIIe siècles, eurent à résoudre dans chacune des provinces du futur territoire français cet essentiel problème.

Que de chefs-d’œuvre déjà, au XIIe siècle, étaient sortis de ce grand effort, ceux-là seuls le savent qui ont visité, en pèlerins de notre art national, nos provinces françaises, Auvergne et Languedoc, Saintonge et Poitou, Provence et Bourgogne. De Notre-Dame du Port, de Clermont-Ferrand à Saint-Nectaire, à Orcival, à Saint-Austremoine d’Issoire, — de Saint-Sernin de Toulouse et de Sainte-Foi de Conques, à Saint-Pierre de Moissac et Saint-Caprais d’Agen ; — de Notre-Dame la Grande et Saint-Hilaire de Poitiers à Saint-Pierre d’Angoulême ; — de Sainte-Madeleine de Vézelay et des ruines de l’admirable abbatiale de Cluny à Paray-le-Monial et à Charlieu, — des cloîtres d’Elne, de Saint-Trophime et de Montmajour à Saint-André de Valence… quelle diversité, quelle fécondité ! Mais ces écoles restèrent régionales. Si pieuse que puisse et doive être notre admiration, aucune ne devint la maîtresse universelle, l’Ecole Française par excellence. C’est à celle-ci qu’il était réservé de découvrir, de créer le mode de construction, souple, léger et résistant, qui permettrait à la maison de prières chrétienne de satisfaire à cet intime besoin d’essor, à cette aspiration vers le ciel que, dès les débuts de l’époque romane, on sent s’émouvoir et s’ébaucher par le rythme et la répétition des verticales tendues, dans le demi-jour des nefs, sous les voûtes pesantes. Comment s’opéra cette transformation ? Elle ne fut pas l’effet d’un coup de génie soudain et imprévu, mais d’une lente gestation, d’une