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tout ce que le sentiment et la réalisation de la beauté, depuis les origines de la civilisation jusqu’à l’invention du « style moderne, » doivent au génie et à l’organisation du Deutschtum. Je ne crois vraiment pas exagérer sa thèse et sa pensée en la résumant ainsi : « Tout compte fait et à bien voir les choses, profondément, à l’allemande, l’art n’a vraiment fleuri que là où la race germanique a pénétré ou a passé. » Vous êtes un peu surpris ? Regardez de plus près. Qu’eût été l’Italie du Moyen Age, sans les Lombards ? A la Renaissance même, Bellini, Mantegna, — après eux, Titien, — ne sont-ils pas, pour qui sait observer, plus Allemands qu’Italiens ? Un fond de germanisme est partout reconnaissable comme support plus ou moins caché de tous les grands mouvemens d’art et de presque tous les grands artistes. Luca della Robbia et Raphaël (qui avait les cheveux blonds) n’échappent pas plus à cette loi que Michel-Ange, dont le visage trahit les origines germaniques et qui d’ailleurs se réclamait lui-même fièrement d’une ascendance qui le rattachait aux comtes allemands de Canossa. Tous ces grands Italiens, « on ne sait quelles nuances de sensibilité ou d’émotivité les rattachent essentiellement à nous, — c’est Schmid qui parle, — dans leur profondeur et leur originalité natives. » Quoi de surprenant dès lors si, dans les fresques célèbres du Ghirlandajo à Santa Maria Novella, les personnages les plus importans, les figures de premier plan nous rappellent si exactement les types rencontrés dans les cantons et petites villes d’Allemagne où la race s’est conservée la plus pure ? Mêmes observations pour l’Italie du Risorgimento que pour celle du Rinascimento. Les plus grands fondateurs de l’Italie moderne ont, presque tous, quelque attache allemande. Garibaldi ? radical germanique, cheveux blonds !

Voilà le pangermanisme pris sur le fait. Et sans doute, à ce degré de cuistrerie et d’impertinence, il peut paraître inoffensif… Mais il ne faut pas s’y fier. Et voici d’ailleurs un dernier argument à l’appui de cette prise de possession de toute l’histoire de l’humanité au nom de l’Allemagne : qui donc a, mieux que les érudits allemands, travaillé et brassé la matière historique ? et pour ce qui touche plus spécialement à l’Italie, qui donc a plus abondamment étudié, fouillé, pénétré les moindres coins et recoins de l’art italien ? Et il y aurait à examiner si ces grands érudits furent, en effet, les meilleurs connaisseurs et