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partie de l’engagement pris de conserver leurs ressources naturelles pour les pays alliés avant tous autres. En Russie l’exportation agricole, qui montait à 3 milliards et demi de francs, — 86 pour 100 du total des sorties, — est une question vitale ; 40 pour 100 de la production des céréales étaient vendus au dehors, la plus grande partie en Allemagne. En Italie 250 à 300 millions de primeurs et de fruits (citrons, asperges, artichauts, matières périssables) étaient servis sur les tables allemandes. Les Italiens comptent dénoncer, afin d’avoir les mains libres, tous leurs traités avec les neutres ; mais Russes ou Italiens n’ont aucune inquiétude sur la question de savoir quand et comment leurs produits alimentaires pourront être dirigés ailleurs, au cas où les empires centraux prétendraient user de représailles à leur égard.

D’abord, l’entente conclue entre coalisés pour se vendre et s’acheter de préférence les uns aux autres, dans la limite de leurs besoins, ce qu’ils peuvent se fournir, n’exclut pas le droit pour chacun d’eux de vendre à d’autres les produits dont l’écoulement total ne pourrait s’effectuer en pays allié ; ensuite, des droits élevés n’empêcheront pas l’introduction de ces denrées en Allemagne, et il ne saurait être question nulle part de prohibitions qui iraient à l’encontre des intérêts qu’elles prétendent servir en créant chez nous la pléthore ou la disette, l’avilissement ruineux des prix ou leur exagération factice, destructive de la concurrence, du progrès et du bien-être général.

L’énormité des territoires unis par la fraternité des armes, la diversité de leurs climats, de leurs ressources, de leurs populations, les préserveront de tout calcul égoïste comme de tout privilège oppressif. Nous ne saurions obliger les Russes par exemple à boycotter les machines allemandes, sans leur fournir de quoi les remplacer ; et pour livrer des machines aux mêmes conditions que les Allemands, il faut d’abord que l’acier ne coûte pas 20 à 25 pour 100 chez nous de plus qu’en Allemagne. Il faut par conséquent que notre métallurgie française, loin de s’abriter derrière des droits de douane pour « tenir les cours, » entame résolument la lutte avec ses rivaux étrangers. Pour augmenter nos forces productrices, l’Etat pourrait concéder après la paix, a des exploitations privées mais soumises à un cahier des charges nettement défini, les nombreuses usines toutes neuves que la guerre a fait surgir et dont il est propriétaire.