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Ce secret, on s’apprête à venir le lui demander, on s’apprête à venir se mettre à son école. On le dit tout haut. Un illustre professeur de là-bas explique comment le sentiment de répugnance éprouvé pour une nation « à ce point dominée par une philosophie nationale aussi dépravée » a ruiné une autorité intellectuelle établie avec quelle habileté cependant ; comment, au contraire, la noble attitude de la nation française se dressant devant l’épreuve « lui a valu un respect profond pour sa vie littéraire ou savante, pour sa culture nationale. » Et il conclut que ces faits ont inspiré aux Américains le désir de s’instruire plus que jamais à l’école et à l’exemple de la France. On ne s’en tient pas aux paroles. Des actes se préparent, nous pouvons l’affirmer. En même temps, la politique prévoyante de nos universités a abaissé la barrière de formalités coûteuses qui, jusqu’ici, faisait souvent reculer les étrangers. Les universités allemandes ont choisi le même moment pour se fortifier par des mesures vexatoires contre l’invasion de la clientèle étrangère, afin de pouvoir dire sans doute qu’elles écartent ceux qui ne viennent plus à elles. Nous osons donc concevoir les plus hautes espérances.

Ces espérances nous créent des devoirs. Nos universités, dont la caisse propre est alimentée par les droits d’inscription, vivent de rien ou de peu, depuis que les étudians les ont quittées. Elles n’ont rien demandé à l’Etat. On se défend contre la faillite à une heure où il faudrait fourbir son outillage et améliorer son installation, pour recevoir des hôtes attendus. La France a de si lourdes charges, elle aura tant de plaies à panser que des cliniques et des laboratoires risquent d’intéresser médiocrement l’opinion, et d’attendre longtemps le bon vouloir des pouvoirs publics. Il peut même paraître impertinent et impie d’avoir en ce moment de pareils soucis. Il y va cependant d’une chance presque inespérée à saisir, et de l’avenir de notre influence dans le monde. La clientèle scientifique vaut, elle aussi, que l’on fasse quelques frais pour elle. Il faudra donc que les universitaires, qui ont eu toutes les formes de courage, aient le courage d’une apparente inopportunité et de l’indiscrétion.

L’Université a rendu au pays un dernier service. Elle a parlé pour lui pendant qu’il se battait, et ces combats de l’arrière furent aussi des combats, L’Allemagne intellectuelle