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ne manquait pas de noblesse. Un livre : « la Science française » fut publié pour cette même exposition, sous la direction et l’impulsion de M. Lucien Poincaré, où les maitres de chaque discipline déterminent la large part de la France dans l’histoire de chacune d’elles. Ce livre fut répandu à des milliers d’exemplaires. Des éditions successives le tiendront au courant ; -des traductions en seront faites. Enfin, par les soins de notre office des universités, une bibliothèque a été constituée des œuvres les plus représentatives de la science et de la littérature de notre pays. Trois mille volumes la composaient ; et elle garnissait les murs de la salle où étaient données nos conférences, et qui fut appelée le salon de la Pensée française. Les Américains, qui gardent volontiers leur chapeau sur la tête, n’entraient dans le salon de la Pensée française qu’en se découvrant. Cette bibliothèque a été donnée, sur la demande qui nous en a été faite, à l’université de San Francisco. Et une société a été constituée, sous le nom de société des « Amis de la France », pour en assurer l’entretien et le développement. Cette bibliothèque a eu un autre succès : la ville de Barcelone a demandé qu’une toute pareille lui fût concédée ; et M. Lucien Poincaré vient d’aller brillamment l’inaugurer, en même temps qu’une statue de François Arago, que la même ville de Barcelone a voulu élever justement cette année. Modestes victoires, mais qui ne coulent pas de sang, et qui permettront à l’autre victoire de produire tous ses fruits.

Nous entrevoyons quelques-uns de ces fruits. Jamais le prestige de notre pays n’a été plus grand a l’étranger, prestige dû à nos soldats plus qu’à nos conférenciers sans doute. Mais la France héroïque et la France intellectuelle ne sont qu’une seule France ; et c’est bien ainsi qu’elle apparaît à qui la regarde de loin. Ceux qui l’avaient aimée pour le seul charme qui émanait d’elle éprouvent comme un remords de ne l’avoir pas aimée comme elle méritait de l’être ; mais à personne elle n’inspire ce sentiment, où il entre autant de défiance que de respect, voué à la force qui n’est que force. Tout ce qui pense dans le monde, et en particulier en Amérique, « croit » en la France, avec la nuance de mysticisme que ce mot comporte. Quel est donc le secret de la France ? demandait à M. Hovelaque un Américain étonné, comme tous ses compatriotes, des forces improvisées qui ont jailli de notre sol et de nos âmes.