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conquérante, l’irrite et l’indigne. L’incertitude sur les mesures que nous allons prendre pour faire face à cette charge monstrueuse tient tout en suspens. La Cité est comme une fourmilière où la Prusse a mis le pied.

Dans cette agitation, une pensée s’est produite dès le premier jour et m’a été suggérée par des personnes qui avaient des raisons pour ne pas parler à la légère. Cette pensée, c’est que non seulement les capitalistes anglais, mais le gouvernement lui-même pourrait peut-être se décider à nous venir en aide pour acquitter une partie de ce lourd tribut, en appuyant notre crédit sur le sien. La première fois que cette idée a été émise devant moi, elle m’a paru si étrange, si contraire aux habitudes du gouvernement anglais, que je l’ai rejetée presque sans examen, quoiqu’elle émanât assez directement du voisinage d’un membre du Cabinet. Mais depuis lors, elle m’est revenue par tant de portes différentes, que j’ai dû ouvrir l’oreille. J’ai dû sommer clairement un des intermédiaires qui venait m’entretenir, de s’expliquer sur ce qu’il entendait par cette alliance du crédit des deux gouvernemens. La personne en question, qui occupe un emploi élevé dans l’administration, m’a alors dévoilé un plan à peu près complet qu’elle donnait (bien entendu) comme son œuvre personnelle et qui m’a paru trop soigneusement élaboré pour ne pas provenir de quelque source plus haute. D’après ce plan, le gouvernement anglais emprunterait lui-même une partie de la somme destinée à notre premier paiement, 20 millions de livres sterling, par exemple (500 millions de francs) et nous la prêterait immédiatement aux mêmes conditions où il l’aurait obtenue. Il n’y aurait pas de garantie proprement dite, puisque les deux opérations seraient séparées. Mais la garantie morale consisterait dans le témoignage de confiance donné par le gouvernement anglais, qui mettrait ainsi notre engagement au même niveau que le sien propre.

On m’a demandé si je trouverais bon qu’on entretînt M. Gladstone de cette ébauche d’alliance financière. J’ai répondu que je n’y voyais aucun inconvénient, pourvu qu’il fût bien entendu que je n’y étais pour rien, que je n’en savais pas le premier mot et que vous en saviez encore moins que moi. J’en suis là.

Mais entre nous, je serais bien surpris si M. Gladstone avait