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et sœurs de guerre, » enfans riches qui prennent en charge l’éducation de l’orphelin pauvre. Une classe d’un lycée de Paris a adopté une orpheline et lui constitue une dot. Des principaux de collège offrent de prendre gratuitement des orphelins pour toute la durée de leurs études. Nous ne parlons que d’initiatives d’ordre universitaire. Il existera des orphelins de père et de mère. Mais, s’il y a des enfans sans foyer, il y a des foyers sans enfant, et parmi ces foyers sont les foyers solitaires de beaucoup de nos institutrices. On les a déjà appelées, comme pour susciter, par la magie du mot, un mouvement qui se répandra sans doute, les « mamans de guerre. » La loi votée trouvera les mœurs faites et les cœurs prêts.

Une occasion s’est présentée où l’Université a fait comme l’expérience de ce dont elle était capable, quand on lui confiait une tutelle. 1 800 enfans serbes sont arrivés en France, la plupart sans parens. Les parens, ou sont morts, ou sont restés sur les routes d’exil. Ces 1 800 enfans ont été répartis dans un grand nombre de nos établissemens. L’Etat fait les frais de leur instruction et de leur entretien. Mais il y a ce que l’Etat ne peut prévoir. Chaque établissement a aussitôt constitué des comités de patronage pour ces pupilles momentanés. Ces comités ont pourvu à tout et remplacent ; dans la mesure du possible, patrie et famille absentes. Faut-il ajouter que nos fillettes ont accueilli les fillettes serbes en les embrassant, la différence des langues ne permettant pas de manifester autrement les sentimens attendris avec lesquels on les voyait venir de si loin ; que les petits Serbes sont reçus les jours de congé, et pendant les vacances, dans les familles françaises ; et qu’ainsi nos enfans font à notre pays des amis pour toujours ? En vérité la guerre, si elle a créé des abimes, a aussi rapproché et a donné un sens plus plein au mot de fraternité. Dans cette fraternité avertie de nos écoliers, comme dans un sentiment de nature presque familiale, nos orphelins trouveront le plus sûr substitut des affections perdues.

La génération qui grandit devra perpétuer les souvenirs et entretenir les tombes. Pour elle ce soin pieux n’est pas seulement un devoir, mais une dette. Elle se prépare à la payer. Le culte des morts est un des honneurs de ce temps. Celui des morts pour la patrie prend l’importance d’un mouvement religieux. De ce culte les enfans sont les lévites. Dans plusieurs