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population et ne l’ont point consternée. Beaucoup de personnes cependant quittent les quartiers les plus menacés et se retirent dans les quartiers de la rive droite de la Seine qui sont à l’abri de toute atteinte. Le vôtre ne peut en aucun cas être exposé. Je suis souvent place Saint-Georges pour voir si tout y est en règle…

On a trouvé des vivres en un peu plus grande quantité qu’on ne croyait en avoir. Il n’en faudrait pas moins que les armées de secours vinssent promptement de province pour aider à délivrer Paris. Les troupes qui sont ici soit de la ligne, soit de la mobile, soit de la garde nationale mobilisée, sont animées des plus valeureuses dispositions et coopéreraient puissamment à cette délivrance.

Adieu, cher ami, je t’embrasse de tout mon cœur. Au revoir, bientôt, j’espère.

MIGNET.


L’Assemblée nationale est élue le 8 février. Les partisans de la paix ont pris pour vedette le nom de M. Thiers, qui a été nommé dans vingt-six départemens. Dès la première séance de l’Assemblée, le 12 février, le gouvernement de la Défense nationale remet sa démission collective.

Le 17 février, l’Assemblée nomme M. Thiers chef du [pouvoir exécutif ; et le 19 M. Thiers annonce la constitution de son ministère composé de MM. Jules Favre aux Affaires étrangères, E. Picard à l’Intérieur, général Le Flô à la Guerre, Dufaure à la Justice ; un peu plus tard, M. Pouyer-Quertier. sera désigné pour les Finances. A peine élu, M. Thiers se rend à Versailles afin de négocier avec M. de Bismarck les préliminaires de la paix. Ces préliminaires signés le 20 février, M. Thiers rentre à Bordeaux pour les faire accepter de l’Assemblée nationale, laissant Jules Favre à Paris. Jules Favre rend compte à M. Thiers de l’état inquiétant de la capitale en raison de la fermentation des esprits causée par la signature des préliminaires.


M. Jules Favre au même.

Paris, le 28 février 1871.

Mon bien cher Président,

Vous m’avez fait hier, sans le vouloir, certainement, un gros chagrin. Je ne voulais pas vous laisser partir sans vous serrer la main. Craignant de vous gêner au milieu des amis qui vous entouraient, je vous avais prié, et vous m’aviez promis de me faire prévenir. Je comprends que les préoccupations du départ vous l’aient fait oublier ; j’en ai été peiné, mon affection