Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/542

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grandes voitures sont rares ; il faut le plus souvent se contenter des petites voitures jaunes.

« Quant à la chose publique, si nous avons le temps et l’ordre, tout ira bien. Je ne peux pas croire que Paris ne réussisse pas à se protéger. Les Prussiens jouent leur jeu hardiment, mais je crois qu’ils perdront la partie. Leurs armées seront écrasées ; c’est une question de jours et d’heures. Je voudrais la Chambre moins bavarde ; mais le sentiment du danger contiendra les plus emportés.

« Le Ministère traverse avec assez de fermeté ces discussions puériles, où chacun s’agite et cherche à se faire remarquer. Il n’y a plus, selon moi, qu’à obéir, tant que l’ennemi sera sur le territoire ; après, on verra. » (26 août.)

Il voit donc les choses publiques sous un meilleur jour qu’à son départ, et accorde même quelque confiance au ministère Palikao. Dès lors, le moral est bon dans la partie saine de la population de Paris. Et puis Aubert veut soutenir de loin le cœur de ceux qu’il a quittés, et abonde en détails réconfortans :

« Ce matin, j’ai fait mes provisions chez Potin, pour éviter le renchérissement des marchandises, qui prend des proportions de panique. Cependant, tout le monde revient, et je vous assure que malgré le chagrin que j’ai eu de vous quitter, je m’applaudis d’avoir pris ma résolution. Tout le monde est ici ; on s’arme fort tranquillement, sans pour. D’ici à trois jours, quelques travaux des remparts seront finis ; la ville semble dès lors devoir être imprenable ; quant aux forces en hommes, elles sont au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer. On ne rencontre que des soldats, sans compter les douaniers, les marins, l’infanterie de marine, les francs-tireurs ; c’est un monde à n’en plus finir.

« Vous aurez vu, par les journaux, qu’on nettoyait Paris. Je puis vous dire de visu que non seulement les repris de justice et les filles ont été expulsés, mais par une mesure générale, tous les Prussiens ou Allemands du Nord, même riches et tranquilles, ont reçu l’ordre de partir immédiatement ; chez les X…, quatre familles ont dû obéir avant onze heures du matin ; on a fermé les caisses, emballé le déjeuner et on est parti. Le général Trochu n’admet aucune hésitation. » (29 août.)

Son bras malade a beau le persécuter encore, il faut qu’il sorte, qu’il coure, qu’il observe. C’est un œil grand ouvert et qui