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dont le petit-fils allait connaître Jeanne d’Arc) dit à Joinville qui partait pour la Croisade : « Vous en alès outre mer, or vous, prenés garde au revenir, car nuls chevaliers, ne povres ne riches, ne puet revenir qu’il ne soit honnis, s’il laisse en la main des Sarrazins le peuple menu Nostre Seignor, en laquel compaignie il est alez. »

Driant qui se traîne sous la mitraille pour porter l’absolution à un lieutenant qui se meurt… c’est Guillaume d’Orange venant au secours de son neveu Vivien à la bataille des Aliscamps. Il arrive trop tard, il combat longuement pour le rejoindre, ne parvient pas à le retrouver, ni vif, ni mort. Le soir approche. Il chevauche par le champ, très las. Sur son front que le cercle du heaume enserre, des gouttes de sang tombent comme de la couronne d’épines. Le sang de ses plaies se caille sous son haubert. Il cherche vainement Vivien. Enfin, sur l’herbe, à ses pieds, il reconnaît, hérissé de flèches, l’écu de l’enfant. Plus avant, non loin d’une source, sous la ramure d’un grand olivier, Vivien gît inanimé, ses blanches mains croisées sur sa poitrine. Guillaume met pied à terre, l’embrasse tout sanglant, le pleure comme un mort : « Neveu Vivien, jeunesse belle, c’est grand pitié de ta prouesse toute neuve… » Mais peu à peu, entre ses bras, l’enfant se ranime, ouvre les yeux : il avait « retenu sa vie » sachant que Guillaume viendrait. Guillaume d’Orange, ayant loué Dieu, lui demande s’il veut lui dire ses péchés en « vraie confession. » « Je suis ton oncle, nul ici ne t’est plus proche que moi, hormis Dieu ; en son lieu et place, je serai ton chapelain ; à ce baptême, je veux être ton parrain. » Vivien se confesse ; — son grand péché, c’est d’avoir fui, croit-il contrairement à son vœu, — Guillaume l’absout, puis prend une hostie dans son aumônière, le communie. Vivien meurt.

Guillaume d’Orange charge son corps en travers de sa selle pour l’emporter dans sa ville. Mais il ne pont franchir les lignes ennemies. Il rebrousse chemin, rapporte Vivien sous l’olivier. La nuit est tombée, il pourra échapper seul… Pourtant, à la minute de laisser là le corps, un regret le prend ; l’abandonner ainsi seul, dans les ténèbres ? Les autres pères, quand leurs enfans meurent, ne les veillent-ils pas ? Alors il attache son cheval à l’olivier et commence la veillée.

Sous la ramure notre de l’olivier, le corps de Vivien rayonne et répand dans l’air le parfum du baume et de la