cruellement de ne pouvoir agir selon son cœur et selon les vues de sa haute sagesse. Il doit attendre en silence le moment où son intervention ne risquera pas de produire une recrudescence de haines et d’horreurs, et peut-être des déchiremens irréparables.
Vraiment, quand on approche de cet homme, que son ministère met si haut au-dessus des passions et des rivalités nationales, il faut se dépouiller de ses sentimens individuels. J’en avais l’intuition particulièrement lucide, en montant les escaliers du Vatican, en traversant ces antichambres, où se pressent des visiteurs et des solliciteurs, venus de tous les pays du monde, pour apporter là leurs doléances, leurs récriminations, voire leurs conseils, et qui, tous, se disputent avec âpreté l’audience et la bienveillance pontificales. Et puis, quand on est arrivé tout en haut, dans la galerie aérienne qui précède le cabinet des Papes, quel coup d’œil sur les siècles et sur les plus sombres tragédies de l’histoire ! On comprend que celui qui habite un tel logis ne puisse considérer les choses sous l’angle habituel de notre vision. Rome est là tout entière sous ses pieds, avec ses ruines, avec les stigmates partout reconnaissables des catastrophes et des dévastations qu’elle a subies. Là-haut, par la porte Salaria, se sont rués les Goths d’Alaric ; ici, derrière les palais de Michel-Ange, ils ont arraché les tuiles d’or du Capitole ; plus bas, les Vandales de Genséric ont brisé les derniers marbres du Forum ; par cette brèche ont pénétré les reitres de Charles-Quint ; et, par cette autre porte, bien des Papes ont pris le chemin de l’exil. Du haut de son Vatican, la Papauté domine ce grand champ de bataille. Elle en a tant vu ! Elle a dû passer par tant d’épreuves et de vicissitudes ! Rien ne saurait plus la surprendre. Elle sait trop de quoi est capable la férocité humaine. C’est pourquoi, si douloureuse que soit cette heure, le spectacle toujours offert d’un tel passé atténue peut-être, chez celui qui résume en soi une si vieille tradition, les horreurs trop vives du présent. Avec cette longue patience, dont l’Eglise a le secret, il guette la minute opportune pour intervenir. Il se fait violence jusqu’au moment où il lui sera permis d’agir pour le plus grand bien de tous.
Quel sera son rôle, au jour de la paix ? On en discute dès maintenant, comme on discute son attitude actuelle. On se livre, à ce sujet, à toute espèce de commentaires, d’hypothèses et