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ne peut que leur reprocher la violence, à dessein hyperbolique, de leur propagande. Alors, faut-il soupçonner que la vraie raison de ce débarquement, c’est leur campagne nettement antiallemande et interventionniste ?

Quoi qu’il en soit, nous devons constater que cette fraction militante des catholiques italiens a vaillamment rempli tout son devoir national, elle aussi, depuis la déclaration de guerre. Les grandes familles du « monde noir » ont leurs fils aux armées, comme les autres. Tandis que les socialistes boudent et se tiennent à l’écart, les catholiques se montrent et prennent part à toutes les manifestations patriotiques. Les princesses romaines se multiplient dans les ouvroirs et dans les hôpitaux. Les prêtres militarisés arborent fièrement les insignes de leurs grades. Avec les étoiles d’argent au collet de leurs soutanes, ils s’en vont rejoindre leur poste sur le front des Alpes ou sur les cuirassés de l’Adriatique. Le seul regret qu’on puisse exprimer, c’est que, peut-être, ils n’aient pas suffisamment confiance dans la force et dans les ressources, comme dans la grandeur de leur pays. Mais la victoire, j’en suis sûr, leur donnera l’élan qui leur manque encore et dissipera tout le vague à l’âme qui voile la pureté de leurs intentions.


Il faut distinguer ces catholiques d’un petit monde à part, très isolé et très fermé, séparé du reste de la nation par des tendances et par des traditions séculaires, cependant très mêlé, puisqu’il est cosmopolite ou international, à la fois clérical et laïque, et que nous appellerons, si l’on veut, le « monde romain. » Justement parce qu’il est très contaminé d’élémens étrangers, le sentiment national italien ne peut pas y être très vif. Et, parce que nos ennemis y sont largement représentés, parce qu’il s’y trouve des Allemands, des Bavarois, des Autrichiens, comment s’étonner que les sympathies y soient assez rares pour la France et pour ses alliés ? De même que dans les autres milieux cosmopolites, soumis à toutes espèces d’influences plus ou moins occultes et souvent contradictoires, une opinion générale y est difficile à former. En tout cas, elle ne saurait y prendre la fermeté qu’elle a dans les milieux nationaux. Sous l’afflux quotidien des fausses nouvelles et des commérages venus de tous les coins du monde, la vérité est lente à s’y faire