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pas allés loin pour attendre la fin du cataclysme. Parfois on en voit qui reviennent explorer, sous les ruines, la cachette où ils avaient abrité leurs biens les plus précieux. Ils ne croyaient pas que leur absence durerait si longtemps. Entassés dans les bourgades ou les villes qui bordent la zone d’opérations, ils observent le va-et-vient des voitures d’ambulance, ils écoutent les bruits lointains des canonnades, ils contemplent les lueurs qui font à certains soirs flamboyer l’horizon comme les éclairs des orages lointains, ils épient sur les troupes qui passent les signes prometteurs d’espérance et de foi.

L’espérance et la foi, ils l’ont quand même, malgré la stabilité apparente du front, malgré les mois qui s’écoulent. Ils savent que notre tâche est rude, mais ils nous ont vus à l’œuvre, et ils nous ont ouvert un crédit illimité de confiance et de patience. Que les geignards de l’arrière, s’il y en a, fassent comme eux : les Alliés n’en abuseront pas. Dans la digue circulaire que nos ennemis cherchent à renverser ou à franchir, les vannes tôt ou tard s’ouvriront en même temps, qui donneront passage à notre irrésistible reflux.


PIERRE KHORAT.